Le cartel, une structure qui n’a qu’une fonction : le travail.

Le cartel n’est pas une rencontre d’idées entre quelques personnes. C’est d’abord, nous dit Lacan dans sa Proposition du 9 octobre, "la condition d’admission à l’École". Est membre — de l’École — celui qui participe à un cartel de cette école; car même si le mot (cartel) évoque quatre, en réalité, il vient du mot "cardo", GOND. Un cartel, c’est le gond entre une école et ses membres, un lieu d’engagement dans l’école. Cet engagement signifie "produire un travail" au cours du cartel — où puisse être articulé le réel de la cure analytique, ce qui évite les discussions à bâtons rompus.

Le cartel n’est donc pas la pratique analytique, mais ce qui peut soutenir le lien social d’une communauté de psychanalystes.

Le cartel est aussi un espace de "parole pleine", en ce sens qu’au delà des gens à qui l’on s’adresse, on vise à atteindre quelqu’un, quelque chose d’autre. C’est donc dire que le cartel est un espace où doit se manifester de la subjectivité — au sens lacanien du terme —, un espace apte à faire surgir l’inconscient. C’est pourquoi il faut donner un style analytique aux réunions d’un cartel. À chacun d’en prendre acte.

 

Un cartel : quatre "plus-un"

Pour constituer un cartel, il faut être quatre personnes, puis se choisir communément un objet de travail et un cinquième membre du cartel ("plus-une personne"). Puis, du moment où cette structure est constituée, tous les membres — les cartellisants — peuvent occuper la fonction du plus-un. Le plus-un est en effet une position dans le groupe, une place interchangeable qui rend possible le fonctionnement du groupe. C’est ce sur qu(o)i je puis m’appuyer pour parler : le discours des cartellisants tourne autour de ce pivot que constitue le plus-un.

Le plus-un, c’est aussi ce(lui) qui, dans le groupe, en soutient le désir. Soutien qui peut se faire de plusieurs façons : en parlant, en se taisant, en prêtant sa maison pour que le cartel ait lieu, etc. Pour l’articuler différemment, disons que le plus-un est un signifiant qui maintient la structure de l’inconscient dans le cartel.

C’est dire que toute chefferie et toute direction au sens d’attitude magistrale de l’un des cartellisants est exclue de cette structure. Le cartel, c’est donc "une autre façon de se nouer" pour produire un travail, pour élaborer à plusieurs ce qui ne peut difficilement s’élaborer seul.


L’École lacanienne de Montréal favorise la mise sur pied des cartels en facilitant les contacts entre les personnes désireuses d’y participer. Pour ce faire, il suffit de manifester votre intérêt par courrier électronique. Une fois que le cartel est constitué, ses membres ont ensuite la responsabilité de se trouver un cinquième cartellisant. Puis, ensemble :

. elles choisissent un objet de travail commun ;

. elles inventent les modalités de travail du cartel (fréquence, production, etc.) ;

. elles se choisissent éventuellement un sujet de travail individuel.

Ex. : si le cartel a l’objet de commenter le Séminaire XIV de Lacan, un cartellisant peut choisir d’en étudier la topologie; un autre, les rapports entre fantasme et désir, etc.

Soulignons en terminant qu’il n’est pas nécessaire d’être membre de l’ÉLM pour participer à l’un de ses cartels, mais qu’il est nécessaire d’être inscrit à un cartel pour devenir membre de l’ÉLM. Enfin, pour qu’un cartel soit inscrit à l’ÉLM, il est nécessaire d’obtenir l’assentiment de tous ses cartellisants.

François Couture


Références : Jacques Lacan, Proposition du 9 octobre
Lettres de l’École freudienne, Journées d’avril 1975, no 18, avril 1976