L’école lacanienne de Montréal[1] sera.
Le futur dans notre langue possède en effet cette particularité
impérative qui le rapproche d’autant plus du présent que s’en
éloigne le possible-à-venir qu’il connote communément.
Elle sera : parce que la force conjuguée de certains désirs a
propulsé un projet sur la voie de sa réalisation. On s’arrête
de rêver, voici l’éveil.
D’aucuns déjà voudraient refermer les yeux et se draper d’une
dignité qu’ils prétendent éthique. Qu’ils poursuivent leur rêve
éveillé et tant pis pour le Réel qui doit les réveiller brutalement.
Des travailleurs, décidés et enthousiastes de la bonne façon,
“ cent fois sur le métier ont remis leur ouvrage ”. Une histoire
s’écrit autrement.
Foin des prétendues filiations du Père Freud au Père Mailloux
dont on nous rebat les oreilles pour s’éviter de prendre acte
d’une procrastination qui arrange les chapelles.
L’histoire aujourd’hui ne s’écrit plus à l’aide des pontifes
qui scandent les événements des pierres blanches où leurs noms
surtout resteront gravés ; une autre démarche a cours qui s’appuie
de l’espoir que se fonde une école sur autre chose que les tombeaux
des pères morts.
À cet égard, le détournement du numéro de nos Cahiers
qui devait être consacré à François Péraldi est le regrettable
symptôme qui témoigne des adhérences encore morbides de nos collègues
à une psychologie de l’affect qui se donne des airs de psychanalyse.
Que l’on voie donc dans les atermoiements regrettés et les lamentations
désabusées sur le Québec une fin d’analyse à terminer plutôt qu’une
déficience phylogénétique de la belle Province.
Pas de place pour la psychanalyse au Québec, entendait-on dire
de quelque prêtresse soi-disant pionnière ! De l’enthousisame
à l’acte, un pas doit être fait par ceux, résignés et défaitistes,
que “ La lettre aux italiens ” [2] renvoie à leurs chères études.
Certes nous ne possédons pas de “ tripode ” [3] expérimenté pour
appuyer notre démarche. Une temporalité pourtant nous soutient,
tout autre que la suite événementielle des humeurs individuelles.
Nos travaux et nos rencontres préliminaires ont dégagé, après
la lettre d’envoi, l’écriture de deux moments fondateurs : un
tripode inattendu et un nouage fort consistant. Une première politique
d’un champ social émerge, propre à une école de psychanalyse.
La tresse – analysant - analyste - non-analyste – peut se redoubler
dans le champ social d’une triplette en extension cette fois :
enseignement, publication, cartel.
En somme, cette présentation nous permet de rendre isomorphe
le travail de la cure et son extension dans la culture. On sait
que Lacan proposait cette distinction : intension pour le discours
privé de l’analysant et extension pour sa “ science à constituer
”.
Nous avons donc pensé que la structure borroméenne redoublée
pouvait rendre compte de cette articulation sous les nominations
suivantes : cure-clinique-topologie (intension), redoublée de
la triplette : cartel, enseignement et courrier-publications (extension).
Cette sizaine borroméenne est une tresse à six qui nécessite
deux coupures pour se dissoudre. Le collectif, lien social, le
groupe possède autrement dit une différence de taille d’avec le
nouage subjectif lequel se dénoue d’une seule coupure.
Ce premier repérage permit alors la construction[4] d’un autre
noeud qui, sous le primat ectopique de la topologie, présentait
une mise en continuité des consistances et des champs de nominations.
Si on n’y retrouve pas la topologie comme telle, c’est parce qu’elle
s’identifie au plan dans lequel baigne cette présentation. Nous
laisserons à nos deux ami(e)s le soin de présenter leur travail
dans le prochain numéro des Cahiers.
On notera cependant qu’avec ces deux présentations nodales qui
se déduisent l’une de l’autre (comme nos amis le montreront),
la constitution d’un groupe spécifiquement analytique trouve un
support topologique qui est propre à la chose psychanalytique.
Ceci veut dire que le mode de fondation, d’organisation et d’interdépendance
de l’école à venir s’appuie d’une structure originale inapplicable
aux autres types de sociétés humaines parce que spécifique au
discours analytique... jusqu’à preuve du contraire !
Ces deux premiers temps d’élaboration de notre école en appellent
un troisième dont la forme topologique n’est pas inscriptible
à l’avance, car c’est l’acte même de création qui fait exister
cette école.
Souvent les causes de nos actes nous paraissent obscures et nous
ne nous limitons qu’à en observer les raisons plus ou moins diffuses,
laissant à une impulsion inanalysée et immaîtrisée (en tous cas
hors signifiant avéré) la tâche du pas décisif – quand ce n’est
pas du saut dans le vide – de faire surgir l’être à partir du
rien. à notre connaissance, pour la première fois, une école de
psychanalyse va naître de ce qui la génère en la structure même
et l’acte qui la porte au jour n’a d’égal ici que les manipulations
topologiques qui en annuleraient ladite structure nodale. Soit
ce que nous avons appelé coupure et homotopie.
Le forum ainsi projeté, et prévu pour l’automne, se doit de prendre
acte de la chose et de donner consistance imaginaire à ce pacte
symbolique que nous passerons entre nous à cette date.
Tout le travail reste à faire sur les bases spécifiques que nous
venons d’esquisser et chacun se trouve convié à participer à cette
entreprise sans exclusion aucune.
L’école Lacanienne de Montréal est née.
[1] Elle “ est ”, puisque déjà immatriculée aux greffes du tribunal.
[2] Voir la “ Lettre aux Italiens ”. de Lacan
[3] Il existait trois groupes italiens qui courtisaient Lacan.
[4] Travail de G.R. Saint Arnaud et J. Bellavance à partir du
noeud dit “ de Lacan ”.