Sur l’enseignement
Martin Pigeon

Objectifs d’un enseignement de psychanalyse

Diffusion du discours analytique ; c’est-à-dire, offrir un accès au savoir issu de l’expérience psychanalytique.

L’enseignement à l’ÉLM serait :

- un lieu où une élaboration actuelle de la découverte freudienne serait mise à jour ;

- un des lieux de formation (permanente) du psychanalyste ;

- un lieu de formation pour les praticiens travaillant dans le domaine de la “ santé mentale ”.

Comme les champs du domaine de la “ santé mentale ” – la psychologie, la psychothérapie, la psychiatrie, le travail social, la psycho-éducation, etc. – sont tous, de près ou de loin, liés à la découverte freudienne et à sa théorie, c’est en maintenant la spécificité et le vif de sa découverte que la rencontre du discours analytique avec ces différents champs peut produire des avancées au niveau de la clinique et de la lecture des faits sociaux.

De plus, il devient urgent, alors que plusieurs concepts analytiques issus de sa pratique se dégradent et s’éloignent des raisons de leur existence, de rappeler et de réinterroger leur statut, leur nécessité et les effets qu’ils entraînent.

Dit autrement : prendre le “ dit ” du discours analytique en en oubliant le “ dire ”, conduit son utilisation à des conséquences qui se situent, souvent, aux antipodes d’une éthique du sujet – comme de nier l’expérience de l’inconscient.

Qu’est-ce que nous enseigne, fondamentalement, l’expérience psychanalytique ?

- Que l’Homme est déterminé par le signifiant, et non l’inverse.

- Que le signifiant ne pouvant lui-même se signifier, sa répétition produit des “ restes ” hors-signifiant (Réel) qui nécessitent d’être pris en compte (objet a).

- Que l’inconscient relève de cette logique du signifiant ; inconscient dont la mise en acte est à situer à l’intérieur d’une parole adressée à l’Autre : le transfert.

- Que l’être, auquel le sujet est marqué d’une perte, est disjoint de la pensée, toujours marquée d’un manque. Ou : que l’énonciation sépare savoir et vérité. Ou encore : il n’y a pas de rapport sexuel.

- Qu’il n’y en ait pas, de rapport sexuel, sexualise le désir (de l’inconscient, il n’y en a pas d’autre), comme en témoignent les formations de l’inconscient.

- Que la réalisation de l’assomption subjective de la sexuation du sujet doit en passer par l’affrontement de la castration, c’est-à-dire du manque dans l’Autre.

- Que le sujet est l’indice de la subjectivité, là où le moi l’est de la méconnaissance inhérente à la fonction imaginaire.

- Que l’activité humaine relève d’une l’insciption signifiante, soit d’une écriture. L’activité psychique en est une de codage (cf. Freud, la Lettre 52). L’une des réponses du psychanalyste se situe donc au niveau d’un déchiffrage de l’inconscient et non à une réactualisation affective d’un vécu passé. Par conséquent, un mode de lecture ne méconnaissant pas la logique de cette écriture s’avère nécessaire afin d’aborder les trois principales positions subjectives de l’être (névrose, psychose et perversion), ainsi que leurs manifestations (symptôme, angoisse, inhibition, délire, phénomène psychosomatique, etc.).

- Que la fonction du Nom-du-Père est ce par quoi se constitue la réalité du sujet.

- ...

De ce que nous enseigne la psychanalyse et de ce que nous enseigne sa théorie, une ÉTHIQUE se dégage. Cette dimension éthique promeut certaines indications au niveau de la direction de la cure à propos de :

- L’orientation de la cure : des entretiens préliminaires à la fin de l’analyse.

- L’acte analytique ;

- L’interprétation ;

- Du transfert et de son maniement ;

ce dont un enseignement de psychanalyse devrait rendre compte. Questions :

- En quoi un enseignement se distingue-t-il des autres lieux de formation – la cure, le cartel, la supervision, la passe – où un enseignement de l’expérience analytique s’effectue ?

- Comme l’enseignement transmet ce que l’analyse enseigne, sous quelles conditions une telle transmission est-elle possible ?

- Quelle est la spécificité du statut du savoir en jeu dans un enseignement de psychanalyse ? (“ La psychanalyse, ça ne se transmet pas comme n’importe quel savoir. ”, Lacan, L’envers de la psychanalyse, p. 228)

- Qu’est-ce qui spécifie la position de l’enseignant dans le cadre d’un enseignement psychanalytique ?

À suivre...