Qui est
psychanalyste aujourd'hui ?
Séance du 3 octobre 2000 Qui est psychanalyste aujourd'hui ? « Celui que son patient désigne pour entendre sa cure à laquelle ils se prêtent. Ceci aux conditions énumérées par les grands textes fondateurs au nombre desquels, les écrits de Freud et de Lacan seront une référence avérée par ce qui s'appelle psychanalyse didactique préalable. Mais là ne se limitera plus la tâche qui lui incombe. Bien différente de la dualité catholique (la foi et ses oeuvres), la fidélité aux découvertes freudiennes et la tâche analysante n'apportent d'autre salut que celui de l'acte à poser. Ce dernier, refoulé d'entrée de jeu de la pratique, ne peut que revenir dans le réel sous la forme d'un désaveu dont se pare aujourd'hui la médiatisation de la pensée, induite, il est vrai, par la suffisance et le non-agir oisif des psychanalystes institués. » Proposition de travail pour l'année qui vient. Nous reprendrons le séminaire (mardi 10 octobre à 20 heures) entre ces deux paragraphes pour consacrer notre séance au commentaire clinique des premiers cas que Freud nous à rapportés. Qu'attendaient ces premiers patients de leur visite à Freud ? Qu'attend le consultant de sa première rencontre avec celui qu'il va instituer comme son psychanalyste ? Pourrons-nous y retrouver ce que notre interrogation du 3 octobre a mis en évidence, à savoir : 1) La position très particulière entre existence et essence de ce psychanalyste sans cesse en voie de disparition : « y a t-il du psychanalyste ? » 2) La nécessité rétroactive de sa désignation in vivo par un patient à partir d'une insertion dans la structure qui est déterminée par l'état historique des discours et un travail individuel antérieur. 3) Le rapport tout spécial du dit patient à la jouissance non encore étiquetée de sexuelle, et dont il s'empare subjectivement. Cette relation qu'on appelle clinique psychanalytique, soit le lieu où depuis toujours le sujet attend sa rencontre avec du psychanalyste sera précisée à la lecture des premiers patients de Freud, bien avant ceux des cinq psychanalyses. La psychanalyse en train de naître laisse se dégager
un espace de paroles et d'espérances, immédiatement
perceptibles dans le discours de ces premiers patients. Dans leurs
coordonnées socio-historiques et personnelles, ils laissent
entrevoir la place nécessaire du psychanalyste que fut
Freud. Soit de l'hypnose à l'écoute en passant par l'imposition des mains. Naissance de la clinique... de la parole.
Séance du 17 octobre 2000 Lire entre les deux oreilles. Ils ont des oreilles pour ne point entendre disaient les Écritures. Ils ont des oreilles pour ne point lire.
Entre entendre et écouter, un plan d’écriture existe pour permettre le déchiffrage des bruits en termes d’articulation signifiante. Cette secrète scène d’écriture est généralement dévolue au regard. Entre voix et écoute, semblable plan vient à s’engrammer et qui fait texte : texte théorique aussi bien que mémoire, expérience ou savoir-faire. Le psychanalyste est spécialisé dans l’écoute de ce qui s’est gravé comme « écriture à entendre ». Chacun participe de cette aventure mais certains décident d’en faire pratique selon la voie appelée analyse didactique et pratique psychanalytique. À quelle condition, ceux-là s’exercent-ils à une lecture de l’écoute ? Ce qui s’écrit pourtant glisse discontinu sous la continuité du discours courant conscient. Il y a affinité entre cette lecture auditive et une activité séquentielle disruptive qui est celle de la manifestation de ce qui s’est écrit. La voix elle-même, comme modulation syncopée impose la structure par bribes et morceaux de la lecture de l’inconscient. Dans son séminaire Le Sinthome, Lacan livre sa conviction du lien intime de la voix en tant qu’elle s’écrit dans le corps, « les pulsions, c’est l’écho dans le corps du fait qu’il y a un dire mais que ce dire pour qu’il résonne […] il faut que le corps y soit sensible. […] Le corps a quelques orifices […] dont le plus important est l’oreille parce qu’il ne peut pas se bouche-clore et que c’est à cause de ça que répond dans le corps ce que j’ai appelé la voix ». Mille exemples à trouver de cette élaboration par Lacan de la pulsion invocante que d’aucuns prétendent ne pas se trouver développée dans son oeuvre. Mais n’accuse -t-on pas souvent l’Autre du travail non-fait... par soi-même ?
Séance du 7 novembre 2000 Fin du commentaire du premier paragraphe : « avérée par ce qui s’appelle psychanalyse didactique préalable ». De l’écoute à sa lecture avait été le mot d’ordre de notre leçon précédente. Quelque chose à partir de ce moment fait-il la spécificité de la pratique du psychanalyste aujourd’hui ? Comme hier, une analyse préalable est indispensable. On la dit didactique probablement depuis que Ferenczi en a innové le genre. Didactique nous amena à proposer un concept à étoffer autour de trois avatars de la lalangue : didacting out pour renvoyer aux thèses lacaniennes de acting out ; act addicted pour équivoquer avec le passage à l’acte ; auto dit d’acte pour viser ce qui ne s’est autorisé que de l’analyste seul. Replacer ces trois temps de la didactique autour du passage à l’acte analytique, de son semblant ou de sa mise en oeuvre par la coupure exigeait alors le rappel des thèses de Lacan sur l’angoisse dans son séminaire du même nom. Soit le tableau diagonalement orienté par le trio freudien inhibition, symptôme et angoisse, laquelle se trouve encadrée des fameux « passage à l’acte et acting out ». Allons-nous trouver dans ce tableau soutien à notre démarche
qui reste de fonder une théorie de l’acte à
partir de ce que la psychanalyse nous enseigne ? C’est ce
que les semaines qui suivent nous montreront en nous servant des
tableaux lacaniens qui ordonnent le moment de conclure en terme
de difficulté rencontrée ou de mouvement à
accomplir selon que nous ayons affaire à une structure
signifiante où l’en plus et l’en moins semblent
opératoires, au plan de la symptomatique tout au moins.
Séances d'Avril 2001 Lacan parlait du meurtre de la chose. Ce n’est pas simple figure de style, c’est l’épreuve de tout humain pour entrer dans le langage invoquant : éprouver sa propre mort dans le champ de l’Autre ! « Jusqu’où peut-il me perdre ? » En effet, ce qui se répercute dans ce récit, au travers de l’héroïsme militaire et de sa récupération en un geste quasi chevaleresque est une bien étrange abnégation, celles des fils de la patrie qui acceptent de se sacrifier pour elle. Se sacrifier ou être sacrifié ? La distance est mince quand elle s’évalue au regard de l’exigence de l’Autre, « faire son devoir », dit-on ! Ainsi l’Autre de la bonne foi, le père de la Bible, celui dont la descendance est aussi nombreuse que les grains de sable de la mer recachait une férocité si terrible que le Dieu qui lui demandait ce crime, le transforma en acte d’alliance, disent les écritures. Acte ou pacte ? Malgré toute son horreur, une guerre reste codifiée. Celle du grand-père de Cédric plus que la suivante quand certaines limites franchies, le déchaînement nazi démontra l’insoutenable que nous savons en désaffiliant des millions d’humains de la race humaine. Un pan recaché de la fonction paternelle se dévoile dans ces faits rapportés, la métaphore du même nom se déploie sur le fond d’une formidable terreur émanant de la toute-puissance que savent les mères qui n’en jouissent à l’égard de leur rejetons que pour les sortir de la prématuration qui les frappe d’être nés humains. On sait cependant la place jouée dans l’imaginaire par les femelles qui abandonnent leurs petits nouveaux-nés. Pour avoir moi-même dû jouer le rôle de père-mère adoptif auprès d’un agneau que sa mère ne pouvait ou ne voulait nourrir et devoir admettre que cet épisode fut marquant dans le destin que j’ai choisi de laisser s’écrire, je puis parler de ce sentiment étrange, curieux – que les psy du behavior appellent imprégnation – et qui lie le premier vivant aperçu au nouveau-né qui vient au monde de la perception exogène. Imprégnation-retard ici, relayée par cette dépendance à la toute-puissance du nourrissage. Père nourricier en quelque sorte pour rejoindre ce grand mythe de notre occident qui exile du père toute férocité et le rendre homme-rose de l’univers-femmes. Le retour du refoulé ne manquant pas de survenir sous la plainte répétée des mêmes de craindre d’être battues ou de s’arranger pour l’être vraiment tant elles savent que la terreur est nécessaire dans la fondation de ce pacte plus haut évoqué. Freud en fin d’un article évoquait la combinaison du travail de l’accoucheur et du chirurgien pour décrire la tâche de l’analyste. Sans doute y avons-nous vu son souci éthique de pouvoir couper pour mettre au monde mais nous avons aussitôt refoulé l’angoisse de remettre notre vie dans les mains d’un analyste, assentiment si difficile et pourtant le seul à fonder le pacte si incroyable qui va lier un inconnu à nos associations libres ! Ceci justifie à soi tout seul l’espèce de dureté de principe dont s’auréole la fonction de l’analyste ; elle crée de toute pièce la bonne foi dans l’Autre en prenant appui sur le risque effleuré de l’être suprême en méchanceté, celui que les paranoïaques n’ont de cesse d’interroger. L’histoire biblique nous rapporte même le massacre de ces innocents, trucidés à l’orée du nouveau pacte que certaines religions installèrent dans la chrétienté. D’ailleurs qui dit religion, dit aussi croyance, foi, et Freud depuis 1907, dans une lettre à Jung, insiste sur les rapports qui existent entre les croyances, le délire et certains éléments refoulés à partir de l’inconscient et qui reviendraient donc de l’extérieur sous forme de certitude aliénée. De là à penser que le nom du père, dans ses étroites relations avec la mise à mort est également de ce fait fondateur du crédit qu’on accorde à la signification par le biais du signifiant, il n’y a qu’un pas que nous franchirons avec audace. Confiance qui ouvre la voie à la dimension du transfert et à son succédané : supposition de savoir. Bien plus, les exemples rapportés dans nos pages antérieures semblent eux-aussi comme marqués après coup de cette mise à mort originaire, d’une sorte de risque absolu que l’Autre maternel offre en partage à son conjoint pour déchoir de la toute-puissance réelle occupée jusqu’alors et la rendre symbolique par le détour de la fonction paternelle. Le plus frappant évidemment est l’extrême violence de ce père qui se suicide après avoir tué ses deux petites filles. La mère elle-même racontait la sourde inquiétude qui la laissa perplexe devant la porte close sur laquelle elle cognait sans obtenir de réponse. Quel pressentiment devait à ce moment submerger son esprit ? Quel savoir insu pour ne pas dire inconscient la menait à l’appartement de son ex-conjoint ? C’est celui qui reconnaît la dimension créatrice de la fonction paternelle dans ce que la vie doit au signifiant, i.e. faire passer du néant à l’être, bien plus humain que de faire passer de l’inanimé à l’animé. Ceci semble rester corrélatif des enjeux de la jouissance, à savoir que remettre la vie de ses enfants dans les mains du père est strictement équivalent à l’acceptation d’un « domptage » de la jouissance féminine par le médium du phallus et de la castration par voie de conséquence et par procuration ! Implicite ou explicite, cet arrimage de la jouissance au Phallus conditionne l’efficace du nom du père pour les enfants et l’animalité femelle des mères qui emportent leurs enfants quand elle divorcent signifie bien le franchissement de la seconde partie de l’interdit oedipien, trop souvent oblitéré par l’interdit de l’inceste, « toi, femme, tu ne réintégreras pas ton produit ». Mais la référence au Roi de Prusse lui-même, au début de notre travail ne témoignait-elle pas tout autant des liens fort étranges qui nouent les petits d’homme à la vie de la parole humaine, sous le diktat impérial ? Et chacun de ces exemples évoqués ne recelaient-ils point une violence de l’acte, d’un acte certes inconnu, insu, imperpétré mais présent sous une forme difficile à rendre signifiante puisque obsolète à l’œuvre du refoulement en tant que portant sur les signifiants du monde de la représentation ? En somme l’histoire freudienne du juif qui se rend à Cracovie pour faire croire qu’il va à Lemberg alors qu’on sait bien qu’il va à Cracovie. Démenti de l’énonciation qui enveloppe l’acte sans en assurer l’effectivité pour autant. On aura remarqué ici que la certitude avancée joue d’un va-et-vient du dire dans une sorte de bonne foi qui s’épure en même temps qu’elle se fonde d’un acte à poser qui paraît bien l’inverse de l’acte manqué. Au point que nous en venons à penser qu’un démenti semblable se doit d’être lisible dans tout acte véritable et digne de ce nom. Face de mensonge, de tromperie, halo de trahison et de duplicité, est-ce seulement figure de l’Autre suprême en méchanceté ou nécessité de la structure quand il s’agit d’encadrer le moment de conclure par un acte ? Si bien que l’Acte et son envers, l’inhibition si-vilisée deviennent, l’effet d’un démenti voire d’un désaveu, d’un reniement fondamental implicite opéré ou opérable et dont l’acte d’énonciation est le rejeton-martyr dans le champ discursif, ce pourquoi certaines paroles ont ce poids si curieux de ne pas laisser le sujet inchangé. Ce que le discours universitaire en tant que tel ne peut que rejeter comme une atteinte fondamentale au pacte implicite de non-agression sur lequel il se fonde et qu’aurait enfreint un Valery Fabrikant en dénonçant les combines de ses confrères. En d’autres termes, règles et usages sociaux ne sont dans l’organisation symbolique que rejetons plus ou moins démentis d’autant plus féroces qu’ils renient l’éthique de leur moment. Car le maître-mot est lâché, il n’est d’Acte qu’éthique et inversément ! Que serait une éthique sans sa mise en œuvre ? Il n’est pas d’acte sans éthique mais il n’est pas d’éthique sans acte. L’homme vertueux n’a pas d’éthique. On comprend mieux maintenant la phrase de Lacan que le héros s’avance seul et est d’avance trahi ! Cette proposition, somme toute s’applique assez bien à toutes les formes d’acte dont nous avons déjà glosé, acting out et trahison de celui qui devrait entendre et n’entend pas, passage à l’acte et défaut de la chaîne symbolique quand aucun semblant ne vient couvrir le trou qui aspire le sujet. Il est probable qu’un tel mécanisme est sensible dans la paranoïa et expliquerait pourquoi l’acte libérateur du paranoïaque rétablit plus ou moins son assiette discursive. Doit-on penser dès lors, qu’une Verleugnung frappe tout Acte digne de ce nom en raison du fait qu’un désaveu primordial le détourne d’avance de sa réalisation hormis imaginaire dans nos rêves. Le im Anfang war der Tat de Freud prendrait ici toute sa force percutante, moins comme crime que comme franchissement de l’interdit d’agir du fait de notre parti-pris pour l’espace de la représentation. C’est ainsi que nous voyons se réaliser dans nos films ce que nous sommes incapables de perpétrer dans le gras de la vie et que nos rêves les plus éveillés, les cauchemars, désignent par défaut et par l’éveil. Qui plus est, cette fameuse compassion dont le champ politique surcharge son idéologie, sa propagande et ses discours, tout autant que l’émotivité et la sensiblerie de l’affect que les tragiques appelaient déjà pitié, ne sont que lâchetés subjectives, sym-pathétiques en lieu et place des vengeances criées au ciel, des résolutions effectives à tenir et du Fer à porter avec la flamme dans les conflits désertés de ce que des siècles ont nommé le sacré. Dimension de l’être humain qui en constitue par là même son éthique et sa dignité, choix qui lui est laissé en toute liberté de marquer sa vie de la dimension de l’Acte et qu’un affadissement justifié par certaine psychanalyse maintient dans l’idéatif, au mieux dans le seul dire qui soit asymptote à l’Acte, la parole vraie. Il paraît évident que le Nom-du-Père lacanien s’implante dans la subjectivité par cette effectivité redoutable et crainte à la fois d’un Acte toujours possible à partir de toute profération. Certains, bien plus avisés qu’ils sont de toujours devoir citer leur écurie en viennent à reconnaître que le Nom-du-Père lacanien aurait plus d’une figure : « Plutôt qu’une clinique de l’Autre et de la loi fondée sur l’universel, nous soutenons une pratique de bricolage visant à faire tenir ensemble par un appareillage à chaque fois singulier des éléments hétérogènes » (Jacques Borie in Ruissellement, revue de psychanalyse, n° 0 Montréal, 2001). Opération de discours qui ne va pas sans l’apparole « citatoire » non certifiée de J.-A. Miller dont ils se font les thuriféraires invérifiables. On se rappellera ici l’ironique interrogation : « si Christophe portait le Christ et si le Christ portait la terre, dis-donc où Christophe posait-il ses pieds ? » Chacun a pu s’apercevoir des effets-retours provoqués par ces appuis dans l’Autre qui ne sont pas que bricolages intellectuels effectivement, mais qui engendrent principalement les luttes sectaires et idéologiques et les alimentent dans la plus grande impudence. La guerre sainte, telle est son nom. Il y va d’une mise à mort par procuration, exemplairement parfois, du fait même de ce démenti qu’on oppose à la réalité. Verleugnung politique, il n’est pas nécessaire de pourvoir Maman d’un pénis pour pisser tout seul ! D’aucuns, et ils sont légions, pour ne pas dire plus, ne semblent pas pouvoir se passer de cette attelle. Ce pénis de Maman qui doit faire « aufils » de Phallus par une sorte de bricolage fétichiste de la pensée serait-il le feed back de ce pacte inconditionnel que la mère aurait refusé à son homme-de-père, meurtrier en puissance de la nature dans ce qu’elle a de plus femelle ? Ou n’est-ce pas plutôt l’horreur de l’acte ravalé en son moment qui reflue lamentablement dans une sujétion de pacotille qui fait le ciment des hordes, bien plus armé que les fers les mieux trempés, singulièrement. Paradigme de deux actes forcés, celui de Valery Fabrikant et celui de la tuerie de la Polytechnique. Le premier est une révolte contre une Verleugnung sociale, aujourd’hui admise et le second contre un désaveu de la fonction paternelle, peu repéré à ce jour, pas forcément antiféministe. Les deux situations criminelles perpétrées par ce que Lacan appelait des personnalités dans ce qu’elles ont de paranoïaques. On comparera avec la montée en flèche, la recrudescence, des cas de burn out et les tueries dans les collèges américains. Freud donnait le choix aux humains entre la névrose et la psychose. Ou bien le conflit entre le Moi et les pulsions sexuelles trouve une sorte de compromis d’équilibre dans un symptôme névrotique ou bien le conflit entre ce Moi et la réalité impose une modification de ladite réalité sous forme d’un délire qui exclut de la trame symbolique l’élément fauteur de trouble. Dans les deux cas, il y a perte de réalité, une fois par compromis et l’autre fois par sa transformation délirante. On sait que le pervers s’offre une troisième voie, celle d’un grand jeu factice, tenu pour vrai... à condition qu’il ne soit pas révélé. Au regard de ces trois grandes orientations cliniques qui sont le commun de la pratique analytique, un quatrième groupe résiste assidûment au traitement par la parole, c’est le groupe des psychopathies, incluant les criminalités de tous ordres et dont la caractéristique est précisément le franchissement par un « acte » de l’interdit le plus souvent dénié, démenti par la société elle-même, mais de façon plus ou moins consensuelle. Trois grands groupes cliniques auquel s’ajoute le quatrième qui fait office de fourre-tout pour ne pas dire fourre-trou mais qui, les uns comme les autres, répondent aux deux grands axes de l’activité humaine : modifier le champ interne par notre activité psychique ou modifier le champ externe par notre agir physique. Freud aboutit à déterminer (Schotte, p. 148), à définir la normalité comme une composition réussie de plusieurs possibilités de pathologie, en disant que le comportement que nous appelons sain ou normal est celui qui réussit à retenir en lui à la fois, des traits névrotiques et des traits psychotiques. Le névrosé s’adapte et s’incline en quelque sorte devant la réalité pour autant qu’il s’agisse d’un compromis névrotique, tandis que le psychotique transforme la réalité. Mais si vous transformez sans adaptation, vous transformez en l’air tandis que si vous adaptez sans transformation, vous vivez une existence que Freud appellerait plutôt animale qu’humaine.
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