Entre l'oppression et la dépression
Johanne Lapointe

X présente un affect dépressif.

C'est souvent par cette phrase que débutent les dossiers constitués dans le milieu de la santé mentale pour parler de personnes déprimées. De nos jours la psychiatrie classifie les dépressions dans une catégorie des troubles de l'humeur. Que ces troubles soient de l'ordre de la névrose ou encore de la psychose, la médecine psychiatrique s'y intéresse surtout en tant que maladie à traiter par la médication. Cela a pour effet de faire taire la subjectivité du sujet et de réduire son symptôme à une maladie guérissable à propos de laquelle il n'a aucun savoir à en tirer. Mais qu'est-ce donc que la Stimmung, cette fameuse humeur source de troubles ?

Pour la psychanalyse la phrase du début de ce texte soulève une question de base : la dépression est-elle un affect, une affaire de structure ou encore une position subjective? Pourquoi une tristesse, pour ainsi dire fondamentale, prend-elle place pour certains alors que d'autres ne cessent de courir après leur désir ? Dans Télévision, Lacan parle de la tristesse comme d'une faute morale, comme d'une lâcheté morale introduisant ainsi la question de la responsabilité du sujet dans la position subjective qu'il occupe. La notion de lâcheté fait à la fois appel à un manque d'énergie, de fermeté et à la notion de manque de courage moral. C'est justement de dé-couragement dont nous parle le dépressif. Qu'est-ce qui lâche pour lui ? Ça lâche du côté du semblant, du sens. Sa plainte concerne le manque de sens, sa dénonciation vise le semblant. Il parle dés-abusement alors qu'il nous dit avoir été abusé. Abusé par quoi ? Par le semblant ? On l'a trompé. Tout n'est que fiction, rien n'a de sens. C'est à cette position qu'il se fixe entre la demande de sens et la dénonciation du semblant.

L'autre côté du semblant, le rien. Le rien est à la fois objet de plainte et d'éloge dans le discours du dépressif. Celui-ci est en quête d'une vérité qui serait dans le rien. Il dénonce le semblant, il revendique le rien. Or ce rien lui est tout aussi insoutenable que le semblant. De plus, si nous suivons sa logique, ce rien il ne peut le trouver de façon absolue que dans la mort mais alors il n'en saura rien. Ici désir de rien et désir de mort ne sont peut-être pas du même ordre. Il pourrait y avoir une logique du discours sur le rien dont la conclusion serait la mort comme lieu idéal de la représentation du rien sans que pour autant nous ayons à faire à la pulsion de mort.

Si le rien est l'objet de désir du dépressif cela pose un certain nombre de questions. Le rien est-il la nouvelle fiction du sujet dépressif, son semblant ? Ou encore le rien est-il son objet a, donc un élément de son fantasme ? En quoi semblant et fantasme sont-ils noués et qu'advient-il du fantasme d'un sujet lorsque le semblant ne tient plus ? Tout cela reste à articuler au cours des mois, sinon des années qui vont suivre.

Début : 27 novembre 2001 - 20hre
Coût : 15 $ la séance
Lieu : École Lacanienne de Montréal, 4657, rue Berri, Montréal
Responsable : Johanne Lapointe, 527-7039 ou lapj@arobas.net
Les séminaires se tiendront tous les 4ième mardi de chaque mois à 20hre.