SEGUNDA
PALESTRA Je vais faire résumer de ce que j´ai dit hier, et puis essayer de voir la différence qui existe entre une psychose infantile et un cas d´autisme. On avance doucement car il faut pas généraliser trop vite. C´est vrai, aussi, que lorsqu’on a compris un cas, on a presque compris tous les autres. Mais ce n´est pas une raison pour en inférer qu´on a bâti une théorie, une théorie valable. Les deux cas dont je veux vous parler, celui d´hier et celui d´aujourd´hui, sont deux enfants qui m´ont donné l´idée de construire l´École du Quotidien, à la manière dont nous l´avons construite. Un jour, un des mes patients m´a demandé de traiter un enfant, dont elle s´occupait depuis à peu près trois ans, dans une institution... Au fond, c´est très étrange... C´est la même institution où était Éric. Mais, sans doute, six ou sept ans plus tard, avec un autre directeur. Le premier directeur était parti aux Séychelles. (rires) Donc Christine, c´est le nom de l´éducatrice, qui est aujourd´hui psychanalyste à Santiago de Chile, m´a demandé de voir Roméo. Roméo est son vrai nom. Et son nom de famille c´était Roméo Principe. Ici déjà il y a une différence dans la psychose infantile avec le cas dont j´ai parlé hier. C´est que le psychanalyste s´intéresse à la signification du nom. Par ex. : Ma charmante traductrice m´a demandé, il y a deux minutes, si Gilson c´était mon prénom ou si c´était mon nom de famille. Nous nous intéressons au nom de l´autre. Mais Roméo Principe c´est un nom qui fait sourire tout le monde, bien qu’il soit impossible, dans la famille, de questionner ce nom. Voilà déjà des éléments de phénoménologie, si on veut, qui sont presque déterminants pour distinguer l´autisme de la psychose. Donc, du point du vue de l´éducateur, du psychologue, du psychanalyste, la psychose infantile appelle l´interprétation significative. Et nous sentons tous que l´autisme est en deçà de cette question. C´est pourquoi, quand les psychanalystes, sur le modèle des premières interprétations freudiennes et post freudiennes, ont essayé d´interpréter l´autisme en termes d´Oedipe, ils se sont immédiatement confrontés, à la réaction des parents. Les parents disent: “non, c´est pas de notre faute”. Bon, naturellement, on est tous, plus au moins, coupables du réel. D´une façon ou d´une autre, ce qui nous arrive dans la vie, ce que arrive à nos enfants, c´est parce que ce sont nos enfants. Mais, derrière la revendication des parents, je pense qu´il fallait savoir entendre autre chose: Je ne pense pas qu´on puisse dire qu´un autiste est autiste à cause de sa mère. Mais il est vrai que toutes les mères d´autiste se ressemblent. Dans leur manière de revendiquer quelque chose pour leur enfant. Alors, j´avance, j´anticipe, un petit peu, ce que je voulais dire, nous n´avons pas intérêt, quand nous allons traiter ses enfants, de nous disputer avec les parents. J´ai donc décidé de faire une coupure, entre ces enfants et leur famille. Mais si j´avais affaire à une psychose infantile, il est certain que je me soucierais de la famille d´une autre manière. Par exemple, vous avez bien vu, dans l´exemple d´hier, qu’ à un moment donné, j´ai téléphoné au père. Et qu’ un fil interprétatif c´est immédiatement dégagé de ce rapport avec le père. Roméo a un père qui existe quelque part en Italie. Naturellement, depuis le temps que je connais Roméo, j´ai eu l´occasion de lui demander si son père lui téléphonait ou lui écrivait. Je pense qu´il a eu un ou deux contacts avec son père, dans le sud de l´Italie. Et... par contre, j´ai vu la mère, et surtout la grand-mère de Roméo. Alors, je les ai vues, je leur ai parlé, mais sans poser des questions, par exemple, sur le désir que la mère aurait pu avoir d´attendre cet enfant. Parce que, immédiatement, l´univers de l´autiste, de Roméo, me paraissait encore en deçà de la possibilité d’un déploiement de la signification. Et peut être bien même que les parents comme tels se rendent compte de ça, aussi. Ce que je vous dis là, c´est très problématique.
Et j´accepterais que quelqu´un dans la salle me dise son
désaccord. Mais quand Roméo est arrivé, j´étais
aussi confronté à un tas d´autres questions, que
j´ai évoqué hier, dans l´introduction de ma
présentation, et qui sont les disputes théoriques à
propos de l´autisme et de la psychose. Et l´École du Quotidien construite par après était une tentative d´une systématisation de ce qui avait marché, avait fonctionné avec Roméo. Pour que vous compreniez bien ce que je vous dis, l‘enfant dont j´ai parlé hier, Éric, c´est une histoire merveilleuse, mais il est toujours psychotique. Il y a pas eu de psychanalyse d`Éric. Je considère que j´ai travaillé six mois avec lui, et peut être que, celui qui fut le plus psychanalisé des deux, c´est moi. C´est moi qui ai le plus appris. Celui qui est entré dans le savoir, c´est moi. Je n´ai pas réussi à le faire rentrer lui dans le savoir. Ceci vous indique, déjà, l´optique, la direction de mon propos. Quand vous lisez des études de cas de psychanalystes, on a surtout cette impression là. On a surtout l´impression que le psychanalyste est surtout un bon psychanalyste. Il montre qu´il écoute bien, qu´il fait bien son travail... (rires) “Voilà comme je le fais bien”. Mais, est-ce que la cure a servi à quelque chose? Pour le dire avec d´autres mots, est-ce que les psychanalystes sont réellement capables de faire la passe du discours de leurs patients? Je pense que c´est encore une maladie de jeunesse de la psychanalyse. Donc, quand Roméo est arrivé chez moi, naturellement, il n´est pas arrivé sans un discours, puisque Christine, son éducatrice, m´avait beaucoup parlé de cet enfant, dans son analyse, mais... un psychanalyste, quand il entend un patient, ne se souvient de ce que son patient lui a dit que quand son patient est là.! Si vous rencontrez vos patients dans la vie de tout les jours, vous ne pensez pas à ce qu´ils vous racontent sur le divan. Il y a comme un exercice d ´isolation, qui est automatique. Donc ce que j´avais compris, ce que j´avais retenu, par contre, c´est que, entre Roméo et Christine, il s´était passé quelque chose, un peu comme entre Éric et sa directrice il s´était passé quelque chose, d´une femme à un garçon, enfin, à un enfant. Qu´est-ce que s´était passé? Je ne sais pas. Mais, ce que Christine me dit, c´est que elle a eu l´impression qu´il était sorti de ce qu´elle appelait l`autisme. Ça veut dire que quand elle s´en occupait, il était plus autiste que quand il est venu chez moi. Ça il faut reconnaître, il faut tenir compte de ce premier travail qui, a mon avis, a dû être un travail de corps à corps. Et je ne sais rien de ce travail de corps à corps. J´ai essayé de questionner, évidemment, après. Christine est restée en Belgique pendant une dizaine d´années, et donc, quand j´ai essayé de théoriser un tout petit peu, de rendre rigoureuse toute cette histoire, je l´ai appelée, je lui ai dit: “il faudrait qu´on écrive ou qu´on reparle de ce que s´est passé”. J´ai envie de vous dire que c´est exactement comme quand vous demandez à une femme de parler de la sexualité féminine. Elle dit: “ça existe, elle est différente de celle de l´homme, mais... je ne sais pas en parler”. C´est quand même curieux, ça. Mais je pense que cette comparaison n´est pas impropre. Je crois bien qu’ il y a un premier rapport de la mère à l´enfant, un rapport, qui à voir avec la jouissance de la femme. ... Je vous citerais deux phrases de Lacan qui vous le montrent. La première phrase que je veux vous dire se trouve dans L´Envers de la Psychanalyse. “La femme donne à la jouissance (le fait) d´oser le masque de la répétition”. Et dans la phrase suivante, il ajoute: “elle donne, donc, à son petit, le droit de parader”. C´est extrêmement important ça. Donc j´ai commenté la chose en disant ceci: Ici comme au Québec, on voit dans les tribunaux un certain nombre d´hommes qui pensent qu´ils doivent donner à l´enfant le droit d´oser le masque de la répétition de la jouissance. Et naturellement, c´est interdit. Et ils se retrouvent en cour pour attentat à la pudeur, attouchement sexuel, viol. Mais on ne voit jamais de femmes, ou peu, très peu, accusées de même méfait. Il faudrait commenter chaque terme en particulier, parce qu´ils sont importants. Donc, la première phrase: La femme donne à la jouissance (pas à l’enfant) d´oser (le droit d´oser) le masque de la répétition. E il ajoute: Elle apprend à son petit à parader. Si vous n´êtes pas convaincus de ça, je vois qu´il y a quand même beaucoup de femmes ici, vous n´avez qu´à penser au garçon de 3, 4 ans qui, lorsque vous avez des invités, à un moment donné, entre tambour battant, comme un vainqueur, tout nu, pour montrer sa petite queue... sa pinto. Je pense que c´est comme ça que vous dites. (Risos) Non, mais pour ce qui est essentiel dans la traduction, je peux me débrouiller. (Todos riem. Uma algazarra! ) Mais maintenant, pour être sérieux, on ne voit pas de mamans ou très peu de mamans condamnées dans les tribunaux pour attouchement sexuel, et pourtant, elles font, toutes, des attouchements sexuels. Mais ils n´ont pas le même sens. (Há uma dúvida sobre o sentido de attouchement e harcèlement, e ele explica, embora saindo um pouco do contexto) La question du harcèlement à mon avis, elle dépend d´une autre jouissance que de la jouissance féminine. Elle est comme la retombée de la jouissance phallique. Et même d’une mère qui harcèlerait amoureusement ses enfants, on dira qu´elle est une mère possessive, on ne dira pas qu´elle fait du harcèlement. Mais c´est très important cette distinction. Donc ce que je suis en train de vous dire c´est que, dans le commentaire de la phrase, la mère donne à l´enfant d´oser le masque de la répétition... mais non, la mère donne à la jouissance d´oser le masque de la répétition... c´est en effet un lapsus, sans être un lapsus, parce que j´ai mis les deux phrases ensemble. Elle apprend à son petit à parader. Ce que Lacan nous dit alors, c´est la question suivante: est-ce que la jouissance féminine n´est pas nécessaire pour un enfant, pour être initié, pour être introduit à une jouissance qui va être interdite? Parce que la jouissance qui est interdite, c´est la jouissance sexuelle phallique. Généralement, on comprend toujours de travers ce que Lacan raconte. C´est pour ça que la masturbation masculine est bien plus interdite que la masturbation féminine. Parce que la masturbation masculine est symbolique de l´exercice de la jouissance phallique. Bon, ça nous entraîne dans une petite excursion théorique. Je veux la faire rapidement, parce que, avec la question du harcèlement, on vient d´ouvrir une problématique qui intéresse tout le monde. Dans ce même texte de L´Envers de la Psychanalyse, le mot masque, qui est utilisé par Lacan, est en effet un mot qu´il emprunte à un commentaire qu´il a fait, deux pages avant, sur Freud. Il nous dit: Freud, dans ce qu´il nous a légué, nous a livré un masque. Il a masqué la vérité. Avec le complexe d´Edipe, il a masqué la vérité. Parce que la vérité non masquée, c´est que la jouissance phallique est interdite. Et c´est parce qu´elle est interdite, qu´elle est autorisée dans certaines circonstances. Et la société est donc, basée, fondée sur cette interdite jouissance phallique. Ça veut dire que le petit garçon ne pourra plus exercer cette sexualité phallique qu’ à la condition d´accepter la castration. Vous n´avez pas qu´à penser à ce qui arrive chez ces brutes qui se croient plus forts que la loi. Quand ils envahissent le pays voisin, ils violent toutes les femmes. Et ça, c´est l´exercice de la jouissance phallique comme non interdite. Voilà, la société, elle-même, va les juger pour crimes contre l´humanité. Et la jouissance phallique ne sera plus permise dorénavant, que sous le couvert de l´amour, donc, dans ce qu ´on appelle un mariage, ou bien sous le couvert du phantasme. Ce qui est une espèce de mise en scène individuelle de cette jouissance brute. On arrête cette petite discussion théorique, pour revenir à ce que j´ai essayé de faire dire à Christine, et qu´elle n´arrivait pas à me dire. “Mais qu´avez vous donc fait avec Roméo pour penser que maintenant il puisse venir faire une analyse avec moi?” Elle m´a dit: “ je m´en occupe, je joue, je dessine, parfois on fait des massages”; et, surtout là, où tout se passe, je lui ai appris à nager” Et donc qu´elle est venue, la première fois, avec Romeo, il était un petit garçon qui devait avoir sept ans. Et je l´ai entendu venir dans la rue. Et qui criait, qui hurlait... Bon, d´une certaine façon, lui ne déchirait pas le billet, mais il hurlait quelque chose comme... (alguma coisa incompreensível on-éo-aé) On a appris après, quand l´holophrase s´est ouverte, ce qu´il disait c´est: Romeo casser. Encore casser. Et puis... évidemment, il y va y avoir un certain nombre de choses qui se passent. On voit bien qu´on n´a pas affaire à un enfant psychotique, parce qu´on a le sentiment que la signification n´a aucune prise sur son comportement. Maintenant j´ai appris à lire que ce n´est pas totalement vrai. Mais c´était le premier véritable autiste avec qui j´avais travaillé. Je veux vous raconter une autre histoire, pour vous montrez cette difficulté de lire le comportement d´autiste. Un couple des mes amis, à Montréal, je connais le père et la maman, ont des enfants, et, parmis ceux-là, il y a un autiste. Des amis en commun m´en avaient parlé. Et ils en ont parlé à la maman: “il faut que tu ailles voir Jean-Paul”. Le petit devait avoir trois ans, quatre ans. C´était infernal pour la maman, qui est cultivée absolument, qui est protestante, qui veut se soucier de cet enfant, qui est prête à tout, sauf à reconnaître que son fils est un autiste. Mais, finalement, elle est venue. Elle est venue me parler, avec M. Quand on a travaillé full time, comme je l’ai fait, avec les autistes, on a besoin de deux minutes pour savoir à qui on a affaire. Naturellement, je n´allais pas le dire comme ça, à la maman. Et c´est quelqu´un qui avait énormément travaillé avec son fils, déjà. Il y a bien longtemps qu´elle avait déjà fait le même travail que Christine. L´enfant se promenait dans mon bureau, avec quelques unes des caractéristiques des autistes, donc, quelques mouvements stéréotypés, le regard vague, il va toucher à tout, et, évidemment, comme toutes les maman d´autiste, cette maman disait: attention, M! Elle me disait: il va casser des choses. Moi, j´ai dit: mais il ne va rien casser du tout. Et je lui dis: Hein, M, tu vas rien casser. Au premier moment, vous avez l´impression qu´il y n´a rien qui se passe. Alors, la maman me dit: Tu vois? On n’a aucun contact. Il ne parle pas. Alors, il faudrait que je lise la lettre que... c´est vous qui m´avez envoyé cette phrase de Lacan – ils sont dans le langage, ils parlent, mais vous ne voyez pas qu´ils parlent.? (Foi Ângela) Et bien... C´est ce que je disais à la maman. “Attends. Attends!”Et puis, elle est passée à l´autre chose, elle m´a raconté tout ce qu´on lui a déjà raconté: que c´est elle qui est fautive, que... À cet égard là, il n´y a pas grande différence entre un petit bébé et un autiste. Quand ma femme dit à sa fille – où est papa? (Elle a neuf mois) – elle se retourne, me regarde. Mais quand elle avait quatre mois ou cinq mois, non. Où est papa? Elle ne se retournait pas. Sauf que je dus dire pareillement: Attends.! Ça va prendre, peut être, cinq minutes, quatre minutes. Répète éventuellement la phrase, ne fait rien d´autre. Et, à un moment donné, vous voyez le bébé qui se tourne. Mais vu que nous sommes névrosés et cartésiens, comme je l’ai dit hier, nous refusons d’y voir la réponse à la question. On dit que c`est par hasard. Mais pourquoi se serait-il tourné de ce côté là par hasard? Il répond à la mère: soyez patientes.
Alors, déjà vous avez une idée de ce que peut arriver à un autiste. S´il est bombardé de... de messages successifs; si on imagine, par exemple, l´hypothèse suivante – que les conductions nerveuses sont ralenties, comme chez un bébé, et puis que il y a deux ou trois messages différents qui arrivent au même temps, il va péter le circuit, comme on dit. Mais c´est normal, c´est comme nous... Ce sont des hypothèses immédiates. Ça vaut pour les bébés, ça vaut pour tous, ça vaut pour vous, ça vaut pour moi. Et donc ce qui s´est passé c´est que le petit M, après 4, 5 minutes -moi, je le suivais des yeux- a commencé imperceptiblement, à se rapprocher de moi, à faire une fois le tour de mon fauteuil... Naturellement, la maman avait oublié la phrase que je lui avais adressé. Elle me parlait d´autre chose. Mais moi, je le regardais, je regardais le circuit. Et les autistes, ça fait un tas de circuit avec son corps. Il passait de plus en plus près. Moi, j´étais déjà satisfait, la réponse, je l´ avait déjà. Un moment donné... Mais, vous voyez, il faut y croire, hein. C´est un acte de foi! Et donc... (Peut être que ça c´est plus du côté du père, le côté libido est, peut être, plus réservé aux femmes... ) Mais, à un moment donné, il nous a tourné le dos, il a regardé la fenêtre, il a reculé dix centimètres sur ses talons, puis il s´est laissé tomber assis en arrière. Alors... comme les mères font... (grito de susto) Toutes les mères du monde font ça, elles craignent à l’avance. Mais moi, je riais, je riais, parce que... avec une précision mathématique, qui est égale à celle de la rigueur du psychotique, il s´est assis à mes pieds, et le bout de ses fesses a effleuré la semelle de mes souliers. Il n´y a pas de plus belle réponse. Mais ça n´est pas... c´est pas une parole, c´est, en tout cas, un discours, mais il faut le lire! Ou il faut l´entendre, si vous voulez. Et entre le moment où je lui ai dit - mais non, tu ne vas pas casser, M., hein, tu vas pas casser – et le moment où il est venu me répondre sur la pointe de mes souliers, il y a eu quoi? Sept minutes? Pour résumer cette petite observation, il y aurait un temps préalable, où il faut donner à la jouissance d´oser le masque de la répétition. Et puis, deuxième temps, il faut mettre l´enfant au savoir. Et quand je dis mettre l´enfant au savoir, c´est peut être, le psychanalyste ou l´éducateur qu´il faut mettre au savoir. Toutes ces choses là, on essaye de mettre en pratique dans l´école, que j´ai fondé à Bruxelles, avec madame Dansette, qui était précisément quelqu´un qui venait de terminer une thèse sur la féminité dans l´oeuvre de Freud comme par hasard mais moi, je ne me suis pas aperçu de ça tout de suite; j´était très content qu´elle me permette – parce qu´elle était fortunée – de construire cette école, de mettre cette école. Au chantier du savoir Elle a permis la réalisation de ce projet devenu commun en échange d’un encadrement et d’un soutien de son mémoire universitaire sur la “féminité dans les marges de Freud”, mais ce n’est que beaucoup plus tard que je me suis aperçu que tout ça n´était pas un hasard. On pouvait lire autrement, aussi, on pouvait dire – c´était une dame qui n´était pas mariée et n´avait pas d´enfant et qui se trouvait dans des conditions épouvantables, où il lui était interdit d´adopter. Donc, elle réalisait son rêve de femme, son désir de femme. Au moins, la moitié de son désir de femme. Moi, je l´ai entendu comme ça. Mais elle m´embêtait, tout le temps. Elle croyait pas trop à la topologie – elle croyait en moi, mais pas à la topologie. (ri) Et elle me demandait toujours: Jean Paul, il faut faire des activités corporelles avec des enfants. Bon, elle m´a tellement tanné, elle m´a tellement ennuyé que, à la fin, nous avons fait construire une piscine dans le fond de l´école. Il y avait une piscine, d´à peu près un mètre de profondeur... Voilà! Qu´elle appelait une pataugeoire. C´est seulement après que je me suis dit: peut être que ce qu´elle voulait me dire c´est - il faut construire le préalable à la mise au savoir. Mais, à ce moment là, je le lisais autrement. Et c´est, d´ailleurs, tout aussi valable. C´est que, voyez vous, l´être humain... comment je vais-je expliquer ça… Hier, à l´hôtel, j´ai pris mon petit déjeuner à côté de l´aquarium. Et je regardais les poissons qui évoluaient, et, au fond, ils font comme les psychotiques: ils parlent, mais personne ne sait qu´ils parlent. Sauf que la manière, pour les poissons, de parler, c´est de faire un trou. Vous allez tout de suite comprendre ce que je veux dire. Si au lieu d´avoir affaire un poisson, vous avez affaire une ver de terre, et si au lieu d´avoir affaire à un aquarium, vous avez affaire à une pomme, si vous imaginez que le ver est dans la pomme, alors vous devez admettre qu’il se promène dans la pomme, qu’il fait des trous, il fait des tunnels... Mais le poisson fait aussi des tunnels dans l´aquarium... mais vous ne voyez pas qu´il parle. Mais peut être que les autres poissons... ils le voient. On a toujours l´impression que le poisson nage de manière aléatoire. On sait, quand même, quand lors de la parade amoureuse, ils ont des comportement natatoires très spécifiques. Et donc... (.....) Sinon, on ne voit pas que ça parle dans la nature. Il y a un savoir, en tout cas, dans la nature. Il y a un élément fondamental à prendre en considération dans l´autisme, à quoi nous devons faire attention, surtout si nous sommes psychanalystes, et c´est ce qui fait la différence d’avec la psychose infantile; parce que je ne pense pas que l´enfant psychotique questionne à ce point là, ce que l´autiste questionne, et que je veux vous dire. C´est que si l´autiste était un poisson, il serait complètement terrorisé par l´élément à l´intérieur duquel il est plongé.. C´est à dire que – pour parler un langage un peu plus topologique, maintenant, l´autiste questionne son univers de plongement, et nous, nous ne nous rendons pas compte, parce que nous sommes dès le début, plongés dans un univers symbolique, qui tient, qui fait référence. Nous ne nous rendons pas compte que nous sommes plongés dans l´air! Nous ne nous rendons pas compte, excepté en certains moments, que nous entretenons avec l´univers de plongement une relation essentielle, sauf à quelques moments. Par exemple, quand nous devons prendre la parole en public et que nous n´arrivons plus à respirer parce que nous avons omis vider nos poumons , d’expirer tout en parlant, les battements du coeur s´accélèrent. Nous pensons être angoissés, et puis, notre corps réagit, pour couper le circuit. Respiration profonde et puis nous recommençons calmement. Mais, entre l´univers de plongement qui est l´air ambiant et le fond de nos poumons, il y a du trou ouverture/coupure, aspiration/expiration. Je fais un trou dans l´autre... voilà, on peut appeler comme ça, le grand autre aérien, et le grand Autre vient dans le trou de mes poumons. Alors, la topologie mathématique a compris ça depuis toujours, que, quand on plonge un élément dans ce qu’on appelle l´univers de plongement, on transforme l´univers de plongement, on lui donne la même structure que celle de la chose qui est plongée dedans. Et ça c´est quelque chose que Lacan nos a refilé. Et il a dit ça, il a dit une fois pas cent fois. Mais, après ça, il a fait tout un travail remarquable. Quand Lacan a introduit le tore dans son oeuvre (toro) la première fois qu´il a introduit ça... (Il s´arrête. Il y a beaucoup de bruits dans l´assemblée.) Bon, c´est pas très compliqué, mais... On va faire comme avec les autistes, on va prendre le temps. Donc, ça, cette figure là, ça s´appelle un toro. Pour que vous vous représentiez de que c´est, c´est ce qui se trouve sur les bateaux, qu´on appelle une bouée., et qu´on jette à la mer pour quand on est tombé dans l´eau. Donc, vous avez déjà une idée de ce que c´est le plongement. Lacan, dès 1953, a introduit cette figure là. Il n´y en a pas beaucoup parlé, mais il disait, à ce moment là: l´être humain est aux prises avec un double vide: un vide intérieur et un vide extérieur. Mais vous voyez, tout de suite, que le vide intérieur et le vide extérieur sont en continuité. Si je trace un circuit comme ceci, vous voyez que les deux vides sont en continuité. Si vous imaginez, maintenant, qu’ on plonge le toro dans un bassin où il y a de l´eau, et si vous vous enlevez de la tête tout ce qui Archimède a raconté, qu´est-ce que le toro fait à l´eau du bassin? Elle lui fait la même chose que mon petit ver de terre (fait) à l´intérieur de la pomme, s´il avait fait un trou dans la pomme Il lui fait exactement la même chose. Quand vous respirez et que l´air extérieur vient dans vos poumons et ressort, vous êtes plongés dans un univers que vous modifiez, de la même manière qu´un petit ver plongé dans une pomme est en train de modifier la pomme. Et il ne faut pas avoir peur de me dire que c´est difficile, parce que moi, j´y ai mis un certain temps avant d´admettre. Si vous prenez une bouée et que vous l´enfoncez dans la mer, la mer ne va pas déborder, mais elle va devenir une bouée. Je vois que ça ne s´impose pas immédiatement à l`esprit. Si vous plongez un toro dans son univers de plongement, vous transformez l´univers de plongement en un toro. Vous pouvez le comprendre parce que... ceci, je vais le redoubler comme ça... (dessin de deux tores enlacés) Je suis en train de vous dire que, si je jette un toro dans un seau, dans un bassin, je transforme l´eau du bassin en un autre toro. Parce que... essayez de considérer uniquement l´eau, sans les bords du bassin; et puis, comprimez, comprimez l´eau pour qu´elle devienne exactement ce qu´on appelle le toro enlacé, et vous allez comprendre, vous allez saisir que tout ce qui est autour du toro a exactement la même structure que ce qui est enlacé. Vous pouvez faire l´envers: vous pouvez regonfler ce toro ici, qui est déjà marqué, dessiné, alors, il va gonfler; et il va prendre toute la place qui est au tour du toro initial. Voilà! L´autiste est aux prises avec une question semblable: de se trouver plongé dans l´univers, le questionne, l`angoisse et lui donne cet air perdu qu´il a. (interruption) Il y a déjà deux questions qui m´ont été adressées, pendant l´interruption, et qui peuvent être tout-à–fait pertinentes pour le sujet que nous occupe. Donc, la première c´est de José Nasar. Il voudrait qu´on revienne sur la question de la jouissance. Et la deuxième question, c´est d´une dame... je ne sais pas comment elle s´appelle... avec qui nous parlions tout à l´heure... Elle est médecin.. Où est-elle? Elle parlait, au fond, de l´autisme et des symptômes qui accompagnent l´autisme et qui rendraient, peut être, l´autisme plus difficile encore à traiter. Donc... La première question, au fond, je vais être très théorique. Et c´est nécessaire d´avoir des références très rigoureuses. Parce que... on dit toujours: bon, ban, je vais apprendre avec l´expérience. Mais on n´apprend rien avec l´expérience. On ne peut pas constituer un savoir sérieux avec l´expérience. Il faut commencer à écrire, à essayer de transformer en logique ce que l´expérience nous apprend. Alors, il y a... Dieu merci! Il y a déjà quelqu´un qui l´a fait, concernant la question de la jouissance et de la sexualité. Évidemment, c´est Freud. Et puis, Lacan, après. Mais pour répondre à la question de José, je ne vais parler que de Freud. Parce que c´est dans Freud, dans la lecture des Trois Essais, que j´ai trouvé, vers les années 1978, 79, peut être, peut être un peu avant, que j´ai trouvé quelque chose, à côté de quoi les analystes passaient, sauf, peut être, les premiers analystes. C´est le rapport absolument étroit qui existe entre la pulsion sexuelle et le savoir. Donc je n´ai pas été du tout étonné d´un jour entendre Lacan parler du savoir comme la petite soeur de la jouissance. Jouissance et sexualité ne sont pas nécessairement des termes différents, mais ce sont des termes qui ont été utilisés par deux penseurs différents. Freud a essentiellement parlé de la sexualité; Lacan a parlé de la jouissance. Certes, sur la fin de sa vie, il est absolument évident que Freud a utilisé un mot nouveau. Freud a utilisé le mot jouissance vers 1916 (Genuss); et puis il l´a repris dans l´Au delà du principe du plaisir, mais il n´en a pas fait un concept essentiel. Par contre, la sexualité humaine c´est... au fond, c´est l´objet de son travail. Un des premiers textes théoriques qu´il a pu écrire s´appelle Trois essais sur la théorie de la sexualité, que j´ai relu, encore récemment, à Montréal, avec nos élèves. Et je pense que je peux vous proposer, rapidement, une espèce de synthèse du cheminement que Freud a pu faire et qui va, peut -être, au fond, donner un éclairage à la conception trop traditionnelle que l´on a de l´autisme, puisqu´on considère que les autistes, à la suite de la théorie freudienne, sont des enfants dont les activités sont essentiellement auto-érotiques. Il faut que vous considériez que, au départ d´un ensemble qui n´est pas différencié et qui est composé d´un certain nombre de pulsions juxtaposées, sans liens - qu´on appelle auto-érotisme- parce que ce sont des pulsions qui vont se satisfaire, indépendamment les unes des autres , quelque chose se produit dans le processus d´humanisation qui va tendre à unifier cette indifférenciation. Et ce que Freud nous dit, alors, c´est que deux libidos existent. Mais je suis certain ou presque certain que vous ne savez pas que Freud disait ça. Et c´est curieux, parce que c’est écrit dans le Trois Essais, et, dans l´histoire de la psychanalyse, personne n´a repris cette idée. Et c´est au point que, si vous lisez le cas de l´homme aux loups -, que Freud a écrit, quand même, une dizaine d´années plus tard -, et qui est exactement construit, point par point, comme s´il donnait... comme si c´était un exemple concret de la théorie de la sexualité chez les enfants, on peut voir que Freud parle de deux libidos. Il dit: il y a une libido normale et une libido morbide. Évidemment, dans nos jours, on ne peut plus dire normale. Si vous dites que il y a une libido normale, il y aura quelqu´un que va dire que vous êtes raciste. Mais, pourtant, ce c´est ce que Freud écrivait. Et la libido normale, on connaît son point d´arrivée, son but final à l´adolescence. ( Puisque, après tout, ça va être votre prochain congrès) Le but final de la libido, à l´adolescence, c´est de s´unifier sous le primat de la fonction de reproduction. C´est à dire, comme je le dis, avec un certain sourire, à Montréal, Freud est papiste. Il défend les thèses de Jean Paul II, de l´Église Catholique Romaine. Á savoir, qu´on ne peut pas exercer notre sexualité, si ce n´est pas que pour faire des enfants. Bon. Ce n´est pas tout à fait la même chose, mais c´est du même ordre, quand même. Ça veut dire que l´autre sexualité, celle qui ne va pas jusqu´à terme, peut très bien se développer, sans dépendre de la fonction de reproduction. Mais voyez que la fonction de reproduction, c´est pas fort différent de la fonction paternelle, qui va être, au fond, le leitmotiv de Lacan. Au fond, soumettre la sexualité au primat de la fonction paternelle, c´est à peu près la même chose que ce que dit Freud. Pourquoi est-ce que l’autiste ne construit pas, comme un psychotique, un délire, pour apprivoiser l´Autre? (Comme un papagaio qui ne parle pas encore. On va l´apprivoiser pour qu´il parle.) Pourquoi? Ça c´est la question. Pourquoi le sujet névrosé, que lui aussi est confronté à cet univers de plongement, choisit–il une réponse obsessionnelle ou hystérique? Je vous donne un petit exemple de réponse. Avant de venir, je parlais de la chose avec une dame que j´ai en analyse... (.....) Et aussi donc, on va avoir affaire à une réponse psychosomatique, certainement, et dans sa analyse, ce qui apparaît, ce sont des choses très curieuses: elle a été attaquée, deux ou trois fois, quand elle vivait à Paris, par des personnes qui la suivaient dans la rue. Donc elle a émigrée ailleurs, elle est à Montréal, maintenant. Mais elle garde toujours cette angoisse d´être agressée dans la rue, plus le symptôme: migraine. Ça porte un nom. J´ai lu toute la littérature et la littérature est absolument folle. Les médecins sont capables de délirer d´une façon magnifique! Moi, je suis persuadé que, à la fin de son analyse, elle n´aura plus ces migraines. J´y crois vraiment ça. Et on avance ce qui se dégage c´est que son père est alcoolique... C´est un charmant homme. Mais, à un moment donné, il s´est mis à boire tous les soirs. Et donc, la maman a divorcé, évidemment, du papa, pour cette raison-là, mais, dans l´analyse, ce que la fille me dit (elle a 27, 28 ans, maintenant) c´est qu´elle s´est rendue compte qu´elle devait percevoir l´angoisse progressive de la mère, au fur et à mesure où son père reprenait un verre le soir. Et ce comportement, ce sentiment qui n´a jamais été parlé -, jamais la mère n’a dit à sa fille: “je ne supporte pas que ton père boive” -, a placé sa fille dans une position d´angoisse à l´égard de l´angoisse de la mère, qui s´est, en quelque sorte, évadée de la situation intersubjective qui la posait, pour s´étendre à l´univers de plongement. Donc, l´espace dans lequel elle est plongée a, maintenant, la couleur de cette angoisse.. Vous savez, si vous mettez du bleu de méthylène dans une rivière qui rentre dans la terre, quand elle ressort de l´autre côté, elle est bleue. Cette relation intersubjective a coloré l´univers de plongement, quand elle se promène dans la rue, dans l´autre absolu... Regardez! Moi, quand j´arrive à Vitória ou quand j´arrive à Rio, je ne connais rien de Rio, je ne connais rien de Vitória, qu´est-ce que je fais? Je vais chercher des marques. Donc, à ce moment là, l´autre n´est plus indistinct. Mais c´est parce que j´ai la capacité de faire ça. Mais ma patiente, quand elle est à l’extérieur et qu´il fait noir, l´autre est marqué par quelque chose qui n´a pas été dit, et qui est l´angoisse de la mère. Donc l´angoisse envahit l´espace dans lequel elle déambule. Et il a suffi qu´elle ait été suivie deux ou trois fois, comme toutes les femmes sont suivies, un jour, pour que, à l´extérieur, elle ait choisi ce type de marquage là, pour essayer d´apprivoiser, comme symptôme névrotique, pour essayer d´apprivoiser le grand Autre non marqué. Maintenant vous me dites: pourquoi ce n´est pas une hallucination qui vient? Mais je n´ai pas dit qu´il n´y avait pas d´hallucination. Je reprends la question au plan des enfants autistes. Pourquoi est-ce qu´il choisissent un mode de comportement comme ça, sans hallucination? Si on va plus loin, si on a le temps, tout à l´heure, de parler de l´histoire de Roméo, vous verrez qu´il y a quand même des idées bizarres qui lui sont arrivées, qui ont surgit. Et il y a rien qui dit qu´il n´a pas des hallucinations aujourd´hui. Mais, avec l´autisme nous sommes, à mon avis, à un stade antérieur à une structuration possible de l´univers de plongement par un mode de réponse psychotique. Il est possible que, quand il se sera... quand on aura réussi à marquer cet univers, comme on l´a fait pour Romeo, de voir surgir des phrases curieuses, ou des phantasmes... Par exemple, un jour, l´institutrice est venue me trouver, en plein milieu de la mise au savoir mathématique, elle était obligée de répondre à la question suivante: les femmes, ça pond pas des oeufs? Elle a dit: Non. Ça fait des enfants. Alors, Romeo est venu me trouver, après, il me dit: Jean Paul Gilson, les femmes, ça pond pas des oeufs. Moi... Fait comme je suis fait, j´ai réfléchi... Qu´est-ce que je lui dis. Est-ce que je lui dis comme tout le monde? Ou est-ce que je lui dis ce que la science nous enseigne? Et je lui ai dit que “si, les femmes, ça pond des œufs”. Il est retourné près de l´institutrice et... Jean Paul Gilson a dit que les femmes ça pond des oeufs! Alors l´institutrice est venue me trouver, en disant: Tu casses mon métier! Qu´est-ce que tu racontes?! Et je lui dis: Martine quand même, l´ovaire, ça pond des ovules. Ce sont des oeufs. - Ouhais! – elle m´a dit – si tu commences à aller jusque là... Je dis: Avec les autistes tu dois aller jusque là, parce que lui, il va aller jusqu´au bout pour tout. Puis, je vous ne cache pas, en réfléchissant, je m´étais dit: peut être bien qu´il est comme le petit Hans. Peut être bien qu´il est en train de dire il doit y avoir un signifiant qui représente le vivant en son entier. Le petit Hans disait: tous les vivants ont un “fait pipi”. Et c´est vrai ça, que tous les vivants ont un fait pipi. Les hommes et les femmes. Mais le fait pipi des hommes n´est pas le même que le fait pipi des femmes. Ça c´est autre chose. Mais la logique de Hans, elle est cohérente. Donc vous voyez, les femmes, ça pond pas des oeufs, moi je ne pense pas que c´est une hallucination ou un délire; moi je pense que c´est une tentative intelligente. Il essaye de voir si les femmes sont comme tous les animaux. Probablement que l´institutrice lui parlait des oiseaux, des poules... Et puis il posait une question logique, il essayait d´avoir... au fond, d´installer du Un. Imaginez, ça c´était peut être trois ou quatre ans après, après qu´il soit arrivé dans mon bureau en criant (“oéoaé”) Vous voyez le chemin qui été fait. On doit tirer les conséquences de ce cheminement. Donc il fallait faire cette thèse sur la topologie. Il fallait prendre au sérieux cette autre dimension de l´inconscient, que Lacan a essayé de nous faire passer, avec beaucoup beaucoup de difficultés, d´ailleurs, et qui est, au fond, un des modes d´humanisation, qui est antérieur, à mon avis, et parallèle aussi, à l´idée de l´inconscient freudien. Donc un inconscient qui est aussi topologique. Et donc, ce que l´autisme m´a appris, c´est que il y a une lecture de l´inconscient qui est freudienne et que, à côté de la lecture freudienne, il y a un complément théorique important qui a été apporté par Lacan et qui est l´inconscient topologique. (Teresa - On ne peut pas situer les deux libidos dont parle Freud comme étant une seule et même libido, avec deux vicissitudes différentes, peut être? Alors, je comprends bien la question de Teresa, parce que dans l´histoire du mouvement psychanalytique on s´est disputé pour savoir s´il y avait plusieurs libidos. Et par exemple, Lacan dit: il y a une libido. Mais dans le texte des Trois Essais, Freud dit qu´il y en a deux. Il peut y avoir des divergences entre Freud et Lacan, mais l´intérêt des deux libidos, de deux libidos freudiennes, la libido morbide et une autre orientée vers ce qu´on appelle le primat de la reproduction est de nous permettre d´interroger ce qui peut faire que l´homme aux loups ne soit peut-être pas vraiment psychotique, et en tout cas qu’ il n´était pas autiste. Pourtant, ce que Freud nous dit c´est que, à un moment donné, à la suite d´un rêve qui l´a terrorisé, sa libido a volé en éclat. Et un courant a continué d´évoluer, et un autre courant s´est séparé et a continué d´exister parallèlement. Moi, je ne vois aucun inconvénient à dire que c´est une libido et deux courants. Mais, quand même, l´intérêt de toute cette affaire c´est de suivre la progression freudienne et de voir ce qu´il appelle libido, en tant qu´elle devient pour lui, pour Freud, porteuse de la fonction du symbole de l´unification. Et il faut bien faire attention à ça. Contre Piaget. C´est ne pas l´intelligence ou le développement abstrait qui va inscrire le Un dans le psychisme de l´enfant, mais, pour Freud, c´est la libido. Vraiment, j´avais fait la lecture, que je vous ai dit, à l´année 1976. Chaque fois que je l´ai reprise – j´avais fait un cours là-dessus, dans vers les années 82, 83, puis maintenant, à Montréal – ça a le même effet de sidération sur les étudiants. Et ça provient de ce que c´est moins visible dans la traduction que dans l´allemand. Ce sont de choses comme ça qui, parfois, disparaissaient dans la traduction. Vous voyez tout de suite que l´intérêt des questionnements sur la jouissance ou la sexualité, pour répondre à la question de José Nasar, c´est que, dans un premier temps, on va se dire, au fond, que, dans l´autisme, on a un fonctionnement pulsionnel anarchique qui cherche a se satisfaire, sans principe logique d´unification. C´est un peu la théorie de Tustin. C´est la théorie, aussi, des kleiniens. Mais il faut être attentif de ce que Freud nous raconte. Moi, je dirais aussi, par exemple, quand j´ai parlé, tout à l´heure, de la phrase, la première phrase de Lacan, la femme... non, on peut dire la mère, puisque la phrase après nous permet de dire la mère... mais ce n´est pas tout à fait la même chose, parce que c´est en tant qu´elle est femme qu´elle va pouvoir être mère et avoir cette fonction. Donc c´est en tant qu´elle a cette jouissance féminine, qui évidemment à l´air d´être beaucoup plus proche de cette sexualité éclatée, pulsionnelle, indistincte. Et il y a eu un moment, vous savez, après au alentours des années 68, où il y a eu, en France, un certain nombre de psychanalystes qui on écrit dans ce sens là, en parlant de la sexualité de la femme comme une sexualité éclatée. Je pense qu´on peut dire que Luce Irigaray, par exemple, défendait cette idée là, que la libido de la femme étant diffuse, n´étant pas articulée par l´organe phallique, est, évidemment, une sexualité pulsionnellement différente. C´est pourquoi je pense que cet exemple peut nous être utile, parce qu’ on a la première réflexion freudienne là-dessus. Et on sait qu´à l´adolescence, la femme, selon Freud, va avoir un développement sexuel supplémentaire. C´est à dire que là où le garçon, lui, il va accepter le primat de la reproduction, sans problème, celle, pourtant qui va reproduire, va faire un pas supplémentaire. Un pas un peu curieux, qui Lacan appellera pas tout, mais que Freud présente de la manière suivante: elle recule, elle s´installe dans un refoulement à l´égard du dernier moment. Mais Freud ne parle pas que c´est une régression. Non. Il dit: c´est une étape supplémentaire. C´est une étape supplémentaire qui ressemble à la régression. Et pour que vous ne croyez pas que je suis en train de dire que la femme est moins évoluée, dites-vous que l´amour courtois qui reste, finalement, le type d´amour qu´existe encore de nos jours, est un résultat, une conséquence de cette opération là, qui est que, quand je demande quelque chose de sexuel à une femme, elle ferme les volets. Voilà! Tout de suite. Dans un premier temps, elle ferme les volets. Je ne sais pas si c´est comme ça au Brésil aussi, mais, en Europe, les femmes racontent qu´il ne faut jamais dire oui à un homme, dès la première nuit. Vous voyez que tout ça, on voit... on est d´accord. Donc, la question, la question c´est comment la libido de l´auto-érotisme indistinct évolut-il vers une unification sous le primat de la reproduction. Faire des bébés. Et c´est important tout ça. Alors, il y a un grand moment, qui s´appelle la période de latence: quatre ans. Avant ça, l´activité libidinale est intense. Pensez au petit garçon qui se promène et qui parade. Puis, cette activité s´arrête, plus ou moins, jusqu´à 8, 10 ans. C´est de plus en plus précoce, maintenant. Et on entre dans la période de l´adolescence. Pourquoi est-ce que cette période de latence? On sait pas trop. Freud nous dit, c´est la société qui l´impose. Puis, certains sentiments, la pudeur, le dégoût et la pitié. Donc que c´est curieux, quand même, parce que....on voit pas très bien comment la pitié... la pitié c´est la compassion -, comment pourrait-elle oeuvrer pour interdire l´activité sexuelle? Mais... Lacan nous a appris quels sont les éléments de la pulsion, c´est dans ces textes là qu´il était le chercher, absolument, ils y sont tous. Et il y a quelque chose sur quoi il n´a pas insisté, pourtant, et c´est curieux ça. On pourrait dire, les sources de la pulsion qui provoquent les excitations. Dans ses trois Essais sur la théorie de la sexualité, Freud nous dit, qu’il y a des excitations, au départ, des excitations internes, externes et puis, progressivement – et c´est là qui ça m´intéresse – apparition des excitations d´un autre ordre. On pourrait dire, excitations produites par la fonction de représentation. Et évidemment, dans l´autisme, il semble bien que, là, il y ait un barrage. Vous voyez tout de suite que j´ai été chercher dans les textes de Freud mon hypothèse de la mise au savoir, comme étant, à peu près, un commentaire, la même chose que l´apparition de ce que Freud appelle tension psychique. Donc, à un moment donné, on a des excitations de trois ordres: internes, externes.... Bon, interne c´est les glandes; externe, ça peut être une personne que vous voyez qui vous excite; et psychique... puis, il y aurait ici séparation entre les excitations internes-externes, et quelque chose que Freud appelle différemment, qu´il appelle tension psychique. Qu´est-ce que fait la distinction entre les excitations et la tension? Toute la question est là. Mais, personnellement, je crois que ce qui évolue vers l´unification libidinal normale, pour reprendre le terme de Freud, c´est la tension psychique. La tension psychique s´impose. Et elle s´impose après la période de latence. Et regardez bien ce que Freud nous dit. Quelle est la caractéristique de la période de latence? Ce n´est pas simplement qu´elle ralentit les excitations et la tension. C´est qu´elle frappe d´amnésie toute la partie antérieure. Et nous savons, enfin, quand nous faisons une analyse, que ce n´est qu´au bout de plusieurs années d´analyse que nous pouvons traverser ce moment là d´amnésie infantile. Et vous compreniez mieux, maintenant, pourquoi, dans l´homme aux loups, Freud s´est attaché à reconstruire cette période antérieure à la latence. Je crois que là je me fait mieux comprendre. Ce qui est curieux c´est que Piaget situe, par exemple, l´abstraction au même moment. L´arrivée de la dimension de l´autre aussi. Mais on dirait que... sa pudibonderie suisse, sa pudeur de suisse, probablement protestante, l´a empêché de reconnaître ce qui était à reconnaître, quand même: mettre en rapport ce qu´on appelle l´intelligence avec l´histoire de la sexualité de l´enfant. Quoi qu´il en soit, on peut dire que dans cette période ici, qui est celle qu´on appelle l´entrée dans l´école primaire, et dans tous les pays du monde, j´ai quand même été frappé que tous les éducateurs, tous les pédagogues considèrent que c´est à ce moment que les enfants sont le plus habilité, outillé à entrer dans le savoir. Donc, il ne faut pas parler de... d´évolutionnisme maturant; non, y doit y avoir une raison particulière, et je la mets en rapport avec un avatar de la sexualité infantile qui, de plus en plus, est en train de devenir tension psychique. Pensez simplement à ce que c´est une amnésie infantile. C´est quoi, l´amnésie? C´est quoi, le contraire de l´amnésie? C´est le souvenir. Donc, si à un moment donné l´enfant dit: je ne me souviens plus... c´est ce qu´il fallait pour que, maintenant, il se souvienne. Vous pensez simplement à ça et vous dites: mais oui, c´est évident, la tension psychique équivaut au mécanisme oubli-mémoire. L´organisation libidinale unifiée par la tension psychique se fait, Freud nous le dit, sous le primat de la reproduction, et, plus tard, il va dire... dans le texte des trois Essais, vous verrez qu´il ajoutait, en 1923, entre crochets, une petite note, où il indique clairement que l´organisateur de cette tension psychique est le Phallus. Et c´est un des rares endroits où vous pourrez trouver, chez Freud, une conception du phallus qui soit lacanienne. Ou, si vous voulez, Lacan, quand il a vu ça, il a véritablement bâti les formules de la sexuation, autour de la fonction phallique. Et bien. Pour revenir, maintenant, à l´autisme, dans mon hypothèse en lisant la phrase de Lacan la femme donne à la jouissance d´oser la répétition, d´oser le masque de la répétition.... et puis, la deuxième, elle apprend à son enfant à parader... Vous savez, il y a une phrase magnifique qui suit ça, mais je ne peux pas la citer de mémoire, mais... c´est quelque chose comme car la femme, fleur de la jouissance, plonge ses racines, tout naturellement, dans ce sol (voir le texte officiel p89 de l’Envers) Donc on peut dire que la femme aurait une sexualité qui plonge ses racines naturellement dans l´auto-érotisme initial. Et donc, ce que Lacan nous dit c´est qu´elle donne à cette jouissance d´oser le masque – mais le masque, je vous en ai parlé tout à l´heure, c´est le masque freudien, c´est ce que Freud a masqué, c´est à dire, que la jouissance phallique est interdite. Donc, parce que la femme a plus d´affinité avec cette jouissance là, elle doit pousser l´enfant à oser, néanmoins, le masque phallique de la répétition. C´est un sacré boulôt, hein! Je ne sais pas si, en parlant comme ça, je réponds à ce que vous voulez entendre, José Nasar, mais... en tout cas, ça explique... Falar alguma coisa sobre o gozo da mãe, no autismo. (Il vous demande quelque chose au sujet de la jouissance de la mère, dans l´autisme. ) Alors, ça c´est un petit peu, aussi... vous n´avez qu´à vous reporter aux textes que je vous ai envoyé, publiés dans le dernier colloque. ( cfr du rejet au rejeton publié in cahiers du CLEF n°7) Mais donc, pour faire un petit commentaire là-dessus, Lacan ajoute: car la jouissance de la mère ne peut pas être close et refermée sur... énigmatique et refermée sur elle-même. Et donc là, il rejoint tout un courant d´interprétation de l´autisme qui rendait l´autisme causé par certaines mères qui se seraient occupées de leurs enfants, je dirais, d´une façon trop parfaite. C´est à dire trop belle, trop bonne. Ceci nous indique aussi que, si la femme plonge ses racines dans la jouissance, si elle en est la fleur de ladite jouissance, elle a aussi la tâche d´amener l´enfant à parader. C´est-à-dire, de choisir la jouissance phallique. Alors, comment voulez–vous qu´une femme choisisse la jouissance phallique? Elle en a pas. Alors, qui en a? L´homme qu´elle aime. C´est pour ça que, dans ce texte publié, j´ai indiqué que la femme doit choisir les symptômes de son mari, pour que la sexualité de l´enfant puisse migrer vers une jouissance que ne soit pas fermée, et qui soit masculine. A mon avis, c´est la seule justification du mariage. Il n´y a pas d´autre justification du mariage que ça. Le mariage comme acte symbolique est une façon par laquelle la société indique aux femmes qu´elle doivent dire à leur enfant: “j´ai choisi les symptômes de ton papa. Et j´y reste fidèle. J´y reste fidèle au moins le temps qu´il faut pour que l´enfant sorte de cette jouissance indistincte”. Ça c´est pour répondre à la question de José. No autismo, o que é que aconteceria, em relação a esse ponto? (Qu´est-ce que se passerait, dans l´autisme, par rapport à ce point là?) D´une mère qui ne choisirait pas les symptômes? Que ela passe alguma coisa que não é isso. (Qu´elle passe quelque chose d´autre et qui ne seul ça se passe là. Mais ça, ça c´est que la science est en train de nous préparer. Ça s´appelle le clonage. Le seul élément phallique dans le clonage c´est le médecin. Si vous avez un jour assisté à des fécondations en vitro, sous sauriez, ce qui est absolument surprenant, c´est qu´on injecte les ovules fécondés par les spermatozoïdes dans l´utérus de la femme, à l’aide d’un énorme clystère (seringue) dont le symbolisme n’échappe à personne. L’injection faite à Irma in vivo! (........) C´est assez surprenant, le côté grotesque et exagérément phallique... Alors, pourquoi c´est comme ça? Parce qu´on a laissé baigner les ovules fécondés dans un sérum, dans un liquide qui est compatible avec le corps de la mère porteuse. Mais en attendant faire ça avec tel instrument, je vous assure que c´est comme si la société disait : “il faut en passer pour les voies phalliques”. Alors, au-delà de cette question là, de ce que dit José, moi, je me pose souvent la question: “que vont devenir les enfants de clonage? Qu´arrive-il, pas seulement à un autiste, mais à un enfant pour qui la fonction paternelle n´est pas écrite? Est-ce qu´il va devenir autiste, est-ce qu´il va devenir psychotique? Est-ce qu´il va rien se passer à la première génération, mais à la troisième seulement?” On a des exemples qui indiquent que parfois, c´est à la troisième génération qu´on constate des réponses curieuses du sujet à ses conditions sociales. Mais je ne peut pas répondre, de manière rigoureuse et logique, en disant: “si le père n´est pas là, l´enfant est autiste”. Parce qu´il y a beaucoup de choses qu´y peuvent jouer cette fonction, qui peuvent jouer le rôle de cette fonction-là. Maintenant, il est déjà midi et vingt, ça serait presque le moment de parler de la question : y a-t-il qu´une seule sorte d´autisme ou y en a-t-il une autre? Parce qu´on dit:que d´un côté la libido s´unifie, et de l’autre côté, qu’elle reste morcelée. Alors, le terme de morceler peut nous amener à un autre type de réflexion. C´est que l´histoire du corps morcelé a, évidemment, toute une histoire dans la psychanalyse, toute une tradition. Et quand Lacan a repris toutes ces choses, pour les systématiser, il a essayé de nous proposer, à l´intérieur de sa logique, une manière de lire et l´unification et le morcellement. Quand Lacan nous dit: quand on vous parle du corps morcelé, on vous parle des pulsions partes, extrapartes (partielles) placées les une à côté des autres dans l´auto–érotisme, sans liens, c´est comme ça qu’en tout temps on nous a parlé de la psychose et de l´autisme. Mais, en même temps, le principe d´unification a été rapporté pour Lacan au Stade du Miroir lequel a, selon Lacan, pour fonction d´unifier non pas la pulsion, mais le Moi. Il faut bien faire la distinction. À la question est de savoir comment s´est bâtie la logique du Un, Freud répond qu’elle s´est bâtie avec la fonction sexuelle. Mais Lacan situe le Un de manière plus précoce, entre 6 et 18 mois, (comme le syndrome de Retti soi-dit en passant), en disant qu´un drame humain se déroulait à ce moment là et que l´enfant, devant son image au miroir, à un moment donné, doit assumer, dans un grand plaisir, la reconnaissance de ce qu´il est. Et donc Lacan, pour essayer de nous faire comprendre ça, nous a proposé un petit dispositif physique et optique, qu´il a épuré, qu´il a rendu logique, c´est le stade du miroir. Bon, beaucoup d´entre vous le connaissent bien, évidemment. Ici, il n´est pas complet. Ça c´est effectivement le schéma dit schéma de Bouasse, du nom du physicien, qui a construit ces leçons de l´optique. Lacan va essayer d´interroger un petit peu loin que ce qui nous est présenté là. Pour le connaisseurs, j´indique simplement que Lacan va faire basculer le miroir ici, il va faire basculer le miroir comme ça... de telle sorte que tout ce dispositif qui existe, qui est réel, puisse être introjecté. Ce que je veux vous montrer, c´est quelque chose de très simple, c´est ce qu´on appelle le schéma L ou schéma Z.. Au fond, il est construit comme le stade du miroir. On voit bien que Lacan a essayé, dans ce schéma, d´arracher au dispositif physique une logique, pour pouvoir parler de l´expérience humaine. Il y a deux temps du stade du miroir qui sont particulièrement repérables chez nos autistes. On a eu, à l´École du Quotidien, le sentiment qu´il y a des autistes pour qui la problématique essentielle est liée à la reconnaissance de leur image dans le miroir. C´est antérieur à l´introjection. Pour certains autres autistes, on voit bien que ce n´est pas cette expérience au miroir immédiate qui est problématique, mais l´introjection. Et par introjection, vous voyez déjà qu´on peut dire une première représentation psychique. Si je mets dans ma mémoire, pour la garder, l´image de ce que je suis, c´est que je ne suis plus totalement captivé à ma propre image dans le miroir. Je sais que c´est difficile tout ça, mais, à la fois, c´est difficile et c´est facile. Est-ce que vous vous êtes déjà posés la question suivante, hommes et femmes - même si vous, mesdames, vous passez plus de temps au miroir que nous – “sans un miroir, sans une photo, pouvez vous, maintenant, avoir en tête l´image de qui vous êtes”? Vous ne pouvez pas. Vous ne pouvez pas. Pourtant, si on vous montre une photo et on vous dit: c´est toi -, vous n´avez aucun doute, vous savez que c´est vous. Ou vous direz: ça n´est pas moi. Moi, je me souviens d´avoir, un jour, fait de la plongée sous-marine et, au moment où je sortais, il y a un type qui a pris des photos. Et après il a essayé de me les vendre. J´ai regardé celles où je me trouvais dessus et je les ai prises. Quand je suis rentré dans ma chambre, j´ai eu un doute pour une photo. Alors, c´était moi... Bon, j´ai appelé ma femme, j´ai dit: Regardes. Il y a quelque chose. Elle dit: Mais non, c´est toi, c´est quand tu es sorti. Je me souviens. On ne me voyait pas de face. On voyait le profil. C´était moi, mais quelque chose me disait que c´était pas moi. Ça a duré pendant un jour. Je reviens voir cette photo. Et c´était impossible de dire si c´était moi ou pas moi. Tous les gens à qui j´ai montré la photo disaient: “oui, c´est toi”. Excepté qu´à un moment donné, j´ai remarqué ce que me gênait. Le type qui sortait du l´eau avait une montre. Et ma montre, elle ne va pas dans l´eau. Je ne l´avais pas prise. Donc ce n’était pas moi.. C´est amusant çà. L’Einziger Zug, le trait unaire lacanien qui porte l’identification! On peut se reconnaître par rapport à une image interne et par rapport à l’autre type d´identification au trait unaire... mais c´est pour le plaisir de montrer ça aux analystes.) Ce que je veux dire c´est qu´il y a deux temps qui sont repérables dans l´autisme. Quand j´ai écouté Marie Cristine Laznik parler à votre dernier congrès, je me suis rendu compte qu’ effectivement... sur dix années de temps, parce que je l´avais entendue en 85, à Bruxelles, dans le colloque de l´École du Quotidien, je me suis rendu compte qu´elle avait systématisé ces deux temps là aussi. J´essaie de répondre à votre question, madame la docteur en médecine... Pasqualina. C´est à dire que... il semble qu´il y a des conditions comportementales absolument nécessaires pour que le stade du miroir s´installe chez ces enfants. On voit que ces enfants se comportent différemment, selon que cette première identification a été réussie ou pas, ou si c´est seulement la deuxième qui est problématique. Je vous donne un exemple de première identification ratée, qu´on a essayé de reconstruire dans l´École du Quotidien, comment on a fait pour la reconstruire un peu par hasard. Et après je m´arrête, parce que... vous êtes fatigués. On a reçu un jour une petite fille vietnamienne, âgée de quatre ans, mais avec la taille, le poids d´un enfant de deux ans. Inutile de dire qu´elle ne parlait pas, elle n´écoutait pas ce qui se disait, elle avait tous les gestes stéréotypés des autistes; et elle ne voulait pas manger, c´était pour ça qu´elle était si maigre. Donc, la tension, le poids de l´Autre, du fait de manger, de l´Autre oral, l´autorisait seulement à avoir (à voir?) un seul petit-pois dans son assiette. Tout le reste... C´est quelque chose, hein, un seul petit pois en un repas. Quelqu´un me disait: “pourquoi vivent ces enfants-là. Comment vivent – ils encore?” Les parents, la maman a été linguiste, le père était informaticien. Ils étaient prêts à tout, à ce moment là. Évidemment, ce sont des conditions épouvantables: fuir le Cambodge au moment de la terreur des Kmers Rouges, passer sur un bateau, être... devoir payer les pirates de la mer... je crois que la grand-mère est morte pendant ce moment-là. Mais ce n´est pas parce que notre grand-mère est abattue que nous devenons autistes. Il faut essayer de comprendre ce qui s´est passé. Et comme on ne peut pas le savoir, il faut fonctionner autrement. Il faut fonctionner, il faut s´appuyer sur les réponses que les sujets, même autistes, nous donnent quand on les observe. Et ce n´est pas compliqué à voir. Tout les gens qui travaillent avec les autistes le savent bien. Ils sont tous autistes. Tous. On ne peut, soi-disant pas leur parler; ils sont coupés de tout contact. Mais quand nous parlons d´eux dans les réunions de synthèse, par exemple, on n´est pas obligé d´appeler les autistes par leurs noms; on décrit un comportement, on dit quelque chose d´un enfant et, à l´intérieur de l´équipe, il n´y a personne qui doute, tout le monde sait de qui on parle. Pour ceux qui sont encore besoin de se faire dire qu´ils ont affaire à des sujets, c´est un exemple imparable. Donc, visiblement, il y a quelque chose que nous permet de les distinguer. Et cette petite fille, dont je vous ai déjà décrit un symptôme, qui était le petit-pois dans l´assiette, avait un autre symptôme c´était qu´on la perdait tout le temps, dans l´institution. On n’osait plus sortir dans la cour de récréation, parce qu´elle grimpait partout. On avait des grands arbres, donc qu´elle montait dans les arbres. Moi, je veux bien aller très haut, mais... elle ne pesait rien, elle allait sur les branches extrêmes. Bon, c´est comme l´histoire... Comment faire descendre un éléphant d´un arbre? On lui dit mets-toi sur une feuille et attend l´automne. Par exemple, un jour, j´ai fermé l´école, et dans ma voiture, j´ai eu un doute: est-ce que les parents de cette petite fille sont venus la chercher? Je suis sorti de la voiture, je suis rentré dans l´école. Je fait tour de l´école, et je l´ai retrouvée collée contre le plafond, accrochée aux canalisations du chauffage central. Elle avait escaladé la canalisation, elle était là haut. Naturellement, il y a des psychanalystes qui vont faire des interprétations, du genre: quand elle était au Cambodge, elle était... je ne sais pas... sa chambre était sur le troisième, deuxième étage... On peut faire toutes les interprétations qu´on veut. Moi, je veux vous proposer qu´on prenne ça en compte comme symptôme, mais au sens où Lacan l´écrit. Il l´écrit autrement (sinthome) C´est une vielle écriture. Et ce que Lacan veut dire par là c´est que... au fond, que c´est la réponse du sujet à la manière dont il est plongé dans réel. Et vous savez, dans l´institution, il n´y avait pas beaucoup de gens qui croyaient à la topologie. C´était vraiment un combat permanent, pour essayer de faire entendre quelque chose. Dans la pièce, avec moi, il y avait un psychologue, qui véritablement a été bouleversé par ce qui s´est passé et il pourrait témoigner que ce que je vais raconter, est vrai. Ça se passe quelques semaines plus tard. Et la petite Yuen, c’est son nom, se trouve à mes pieds. Et je regarde assez discrètement ce qu´elle était en train de faire. Dans l´école, nous avons un certain nombre de matériels de tous ordres. Tout ce qu´il y a dans toutes les écoles du monde. Mais, évidemment, qui ne cassait pas, qu´on ne pouvait pas avaler. Si bien qu´on avait réussi à trouver, par exemple, une feuille en plastique, en plexiglas, une feuille qui faisait miroir. Parce qu´on avait aussi des cours de formation, dans l´école. Et donc, le schéma du miroir, je leur avais expliqué ce qu´est que c´est. Aussi un miroir concave. Et j´ai vu cette petite fille se mettre à jouer avec ce miroir. Et plier le miroir. Donc, à ce moment là, l´image s´allonge ou se rétrécit.. Enfin, sont des jeux intéressants. Et j´ai assisté, à ce moment là , (elle avait quatre ans) à ce à quoi j´ai assisté, il n´y a pas tellement long temps, avec mon avant-dernier enfant, et à quoi ma femme m´a dit avoir assisté récemment avec notre dernière fille, il y a pas si long temps non plus... elle m`a dit: elle se perdait dans le miroir et, tout en coup, elle a éclaté de rire. Ma femme n´est pas psychologue, elle ne connaît pas ces écrits de Lacan. Bon. J´ai dit: c´est gagné. La petite fille vietnamienne a fait la même chose, à mes pieds. Alors, malgré mes efforts, je suis toujours cartésien et névrosé, et donc, comme un imbécile, je me mets derrière elle, pour essayer de répéter l´expérience et voir quand, comment ça s´était passé. J´ai plié le miroir et, évidemment, je n´ai rien vu! Si vous pliez un miroir, vous ne vous voyez pas dedans. Alors, j´étais un peu déçu, je me dit: bon... je me suis trompé. Sauf que, à un moment donné, elle se mise de nouveau à rire, à côté de moi. Et j´ai commencé à comprendre quelque chose. Elle s´est reconnue, mais pas dans sa face, mais dans le lieu où elle avait été s´accrocher. Comme le miroir était plié, ce qui se reflétait dans le miroir était le coin du plafond, avec les deux canalisations. Donc... Elle s´est reconnue dans le lieu où elle était. Et donc, en moi, ça a fait tilt..... Donc j´ai compris qu´avec les enfants autistes, si on veut installer quelque chose qui soit comme le moment du stade du miroir, il faut leur donner l´occasion de se reconnaître dans leurs symptômes. C´est simple. Alors, à partir de là, il faut regarder les autistes comme étant des enfants qui ont un Sinthome particulier, chacun; et donc, pour moi, la mise au savoir, donc, cette tension psychique dont je vous ai parlé tout à l´heure, elle doit prendre appui dans le symptôme des autistes. Et Mettre quelqu´un au savoir, à partir de maintenant ça vaut pour tout le monde, ce n´est rien d´autre que la suite du stade du miroir. C´est donner à quelqu´un l´occasion de se reconnaître dans les conséquences de son symptôme. Alors, maintenant, pour Pasqualina. Le problème c´est que, évidemment, il y a des malformations, physique, physiologique ou génétique, qui empêchent certains enfants de se reconnaître, littéralement, dans ce lieu-là. Par exemple, certains enfants sont atteints de malformation cérébrale. On avait, dans l´école, une petite fille atteinte de strabisme divergent, à la suite, probablement, d´une anoxie cérébrale; probablement, parce que l´accouchement avait été trop long. Probablement. Moi, je pense que quelqu´un comme ça, doit... devait voir deux images superposées. Souvent j´ai eu cette impression, avec cette petite fille, qu´elle voyait deux images superposées. Je me dis que ça doit être très compliqué, dans des conditions comme ça, de se reconnaître. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus, mais simplement, vous pouvez, à partir de ce moment là, étaler toute la liste des symptômes organiques qui peuvent s´ajouter aux exemples que je viens de vous donner et qui empêchent ce moment structurant où le Moi peut se reconnaître. Moi, je crois qu´il y a continuité, là, entre la génétique, la physiologie et le psychique. FIN Vitória, 22 de maio de 1999. Transcrição: Lia Carneiro da Cunha - Junho de 99.
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