L’école et la mise au savoir
Martin Pigeon

L’évidence tient de l’évidement.
(Lacan)

 

Ce texte a été écrit au lendemain du forum de fondation de L’École Lacanienne de Montréal, en novembre 1997.


Mise en question de l’école

Que faut-il qu’il soit possible pour qu’il y ait école de psychanalyse ?
Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’une école de psychanalyse soit analytique, s’appuyant sur la réson freudienne ?
Que vise une école de psychanalyse, une école lacanienne de psychanalyse ?

En guise de hors-d’œuvre à ces questions, une citation de Lacan. À la fin de son séminaire Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, soit l’année suivant la fondation de l’École Freudienne de Paris, Lacan fait lecture d’un livre qu’il est en train d’écrire et qui devait (il ne verra jamais le jour) s’intituler Mise en question du psychanalyste :

La psychanalyse ne vaudra à celui qui demande à être analyste, que ce que tu vaudras quand tu seras psychanalyste ; elle n’ira pas plus loin que là où elle peut te conduire. Ceci n’est pas pour nous leurrer ensemble d’une méritoire semonce sur ta responsabilité dans ta pratique. Tu sais bien que toute exercice d’un pouvoir n’est pas seulement sujet à l’erreur, mais à ce comble de méprise d’être bienfaisant dans son erreur.
Ce qu’il me faut te dire, c’est le risque pour toi de ce mariage au sort de la psychanalyse. Car ce que tu mets ici en jeu n’a rien à faire avec ce qu’il en est de l’issue d’une psychanalyse ordinaire. Et le terme de parfaitement analysé qu’on te fait mirer à l’issue de telle psychanalyse, qualifiée de didactique, est aussi trompeur qu’insuffisante la définition des fins de cette analyse.
Car il ne suffit pas que tu sois, selon la formule classique, parfaitement au clair dans tes relations avec tes patients, il faut aussi que tu puisses supporter tes relations avec la psychanalyse elle-même.
Car si la psychanalyse nous l’apprend, la vérité répond à un manquement véniel à son endroit – à un refoulement, autrement dit – en prenant sur le corps même où gît ton être sa rançon, ne croit pas qu’elle soit plus clémente à la faute capitale toujours imminente, en une action qui prétend suivre sa trace sans connaître ses brisées. Une action dont le moyen est la verte trébuche dans le mensonge et la vérité en recouvre les traits toujours avec usure.

(16/06/65)

Il n’y a de psychanalyse que d’une implication subjective du psychanalyste au regard du discours analytique, pas autrement. Voilà, déjà, un vecteur essentiel à retenir pour l’ÉLM.
Ce vecteur refuse tout " ne rien vouloir savoir de la castration ". L’engagement subjective du psychanalyste dans son rapport à la psychanalyse le conduit, nécessairement, à la levée de l’obscurantisme et de tout psychologisme, si opposés à la découverte freudienne, mais qui ne cessent d’être présents dans les lieux se réclamant de la psychanalyse. L’horreur de la castration, qui renvoie à l’occultation du manque de l’Autre, emprunte différents habits : du refus de la théorie à la prise de parole du lieu supposé de la théorie. L’enjeu ici, voire l’enjeu de la psychanalyse, est de taille : le statut du savoir.

Fonder un savoir du lieu de son incomplétude, tel me semble être l’orientation à donner à l’ÉLM. Cette fondation ne peut, à aucun prix, faire faire l’économie au sujet d’une mise à l’épreuve subjective de son symptôme : être (vouloir être) psychanalyste.

Le savoir comme " garde-fou "

À chercher à rendre compte des si grandes difficultés que rencontrent les analystes à faire groupe1, j’en reviens, une fois de plus, à ce constat : le pire obstacle à la mise en place d’une école analytique de psychanalyse, c’est la névrose... des analystes.
Comme le rappelait Jean-Michel Vappereau, lors de son passage à Montréal, la folie est loin d’être l’apanage du psychotique, c’est le propre du névrosé2. Au délire du psychotique répond le dédire du névrosé, à la différence que le délire constitue une " tentative de guérison " (Freud), ce qui n’est pas le cas du dédire qui ne fait qu’éloigner le sujet de l’engagement de son dire.

Je reprends les trois définitions de la folie que formule Lacan dans Propos sur la causalité psychique3.

1) " Être parlé par un autre ".

Entrer dans le langage c’est être parlé par l’Autre, l’Autre étant un lieu de parole4. C’est toutefois autre chose d’élever un autre au rang d’Autre – Autre ici comme lieu du savoir. C’est ainsi substantifier l’Autre, occulter son manque. Donner une consistance à l’Autre – son analyste, la théorie de Freud, de Lacan... – inhibe le sujet. Cela produit des analystes qui ne peuvent prendre parole en s’y impliquant subjectivement, car ils ne parlent que du lieu où ils supposent à l’Autre le savoir ; ils demeurent aliénés au sujet supposé savoir. D’où l’importance de la question du transfert : la destitution du sujet supposé savoir.
Une école de psychanalyse a ici, il me semble, une certaine responsabilité : offrir des conditions de travail qui n’alimentent pas ce statut d’Autre supposé savoir.

2) "Il convient de remarquer que si un homme se croit un roi est fou, un roi qui se croit un roi ne l’est pas moins."

Entre " être analyste " (désêtre, dit Lacan) et " se croire analyste  ", il y a un pas. Ce pas peut être franchi lorsque, par exemple, l’analyste confond le lieu où il a à se positionner comme analyste et la fonction qu’il assume à ce lieu : répondre du lieu de l’Autre, ce n’est pas être l’Autre. Il est donc crucial pour l’analyste d’articuler la discordance foncière qu’il supporte – entre le lieu qu’il occupe, sa fonction et ce qu’il est – s’il ne veut pas virer fou et en entraîner d’autres avec lui. Ce travail ne peut se faire seul, d’où, entre autres, une école.
S’y croire, comme analyste, revient pour lui à s’identifier au sujet supposé savoir5. Cela peut produire des scènes comiques : l’analyste mal à l’aise en présence d’un de ses analysants, à l’épicerie par exemple, soit dans un lieu moins propice à la prestance imaginaire. D’où vient le malaise de cet analyste sinon parce qu’il s’y croit et qu’il tient à ce que cette croyance ne tombe pas.
Le silence des analystes dans le champ social répond aussi à ce " s’y croire " : prendre parole en public ne va pas sans risque, le risque de déchoir de cette position de sujet supposé savoir. Rien de mieux que le silence pour alimenter cette supposition de savoir.

3) La politique de la " belle âme ".

C’est-à-dire, rejeter sur l’extérieur la responsabilité de ce dont nous nous plaignons.
" Si la psychanalyse ne marche pas, c’est à cause du discours de la science, de la société de consommation qui demande à être soulagée rapidement... ", entend-on dire souvent.
Une autre forme de cette folie prend une figure groupale – Freud nous l’avait déjà souligné, le groupe est orienté par l’Œdipe. Combien de groupes analytiques sont-ils soudés par le rejet d’un élément qui leur est extérieur (ou qu’ils rendent extérieur), que celui-ci soit l’IPA, " les lacaniens ", tel ou tel analyste, etc. La vivacité d’un désir ne peut se soutenir – sinon au prix de lourds symptômes – lorsqu’il s’appuie en opposition à un désir qui lui est extérieur, tout simplement parce qu’il n’est pas vrai.
Il n’y a, bien sûr, pas plus ou moins de conflits imaginaires dans les groupes analytiques que dans les autres groupes, seulement, on pourrait s’attendre à ce que ceux-ci puissent être lus analytiquement.

Qu’un psychanalyste ne se dédise pas me semble être le minimum à attendre de lui. Cela n’en fait pas pour autant quelqu’un de soustrait à la " douleur d’exister ", quelqu’un sans symptôme et angoisse. Cela ne fait pas de lui un être exceptionnel, sinon par le fait qu’il ne se dérobe pas face à l’acte.

En abordant la folie par le biais de la méconnaissance, Lacan centre donc son enjeu autour de la question du savoir : ne rien vouloir savoir de la reconnaissance de ce qu’implique cette méconnaissance dont tout parlêtre est plus ou moins affecté.
Cet abord de la subjectivité humaine par le savoir est sans conteste un trait distinctif de l’enseignement de Lacan. C’est donc dire qu’une école qui se réclame de Lacan inscrit nécessairement à son fronton cette orientation du savoir. Ainsi, le savoir, ou plus exactement la mise au savoir en tant qu’elle engage le sujet, agit comme garde-fou dans une école de psychanalyse, elle prévient du dédire.
Ce constat peut sembler aller de soi et relever de l’évidence, encore faut-il le dire, et encore ne faut-il pas reculer devant l’acte auquel convie la mise au savoir.

Réalisation de l’inconscient

Comment prévenir le dédire ? Par la mise au savoir.
Mais alors, comment favoriser cette mise au savoir ? Répondre à cette question conduit à interroger le statut de l’inconscient, une fois de plus.
Ici encore, nous rencontrons un autre trait distinctif de Lacan : considérer l’inconscient comme un savoir. Non pas comme un savoir stocké dans les profondeurs de notre psychisme, mais un savoir qui, à l’insu du sujet, se produit dans son rapport à l’Autre : comme l’illustre si bien le witz.

Comme nous l’enseigne le mot d’esprit – mais aussi le rêve, le lapsus, le symptôme – il n’y a de savoir inconscient qu’adressé à l’Autre. D’où : L’inconscient, c’est le lien social6.
L’inconscient, comme lien social, s’inscrit dans un lieu : l’espace entre le sujet et l’Autre. Cet espace, l’expérience analytique nous montre qu’il s’appuie d’une topo-logie autre que la logique des liens que nous avons conscience d’entretenir dans notre espace social. Cet espace, entre le sujet et l’Autre, a la particularité d’être continu mais inversé7, ce qui impossibilise un rapport direct à l’Autre – ce que Lacan a commencé par nommer le " mur du langage ".
L’ordre signifiant, sur lequel relève le discours, entretient le malentendu entre le sujet et l’Autre, malentendu de structure. Autrement dit, le lien social se fonde sur un non-rapport, ce dont les formations de l’inconscient métaphorisent justement (rapidement, Freud a repéré que ce ratage concernait la sexualité ; ce que Lacan accentuera avec son " il n’y a pas de rapport sexuel ", donc, il n’y a que du rapport à la sexualité).

Ce ratage, ce non-rapport, c’est ce qui, comme sujet, nous divise. Je me mets à parler, et je me divise entre ce que je dis et ce que je cherche à dire. Je est divisé, traversé par un savoir incomplet, lui échappant toujours en partie.
Les discours constituent diverses modalités de réponse au non-rapport. Lacan en articule quatre : discours du maître, hystérique, analytique et universitaire.
Que devient l’inconscient à travers ces discours, inconscient que j’ai plus haut situé comme lien social ? Peu importe le discours dans lequel le sujet se trouve, l’inconscient se manifeste au lieu du ratage avec l’Autre. Les achoppements, oublis, actes manqués... sont inévitables. La question devient alors : qu’advient-il de cette adresse à l’Autre par laquelle se forme l’inconscient ? De deux choses l’une : ou bien l’inconscient est lu et reconnu ou bien il ne l’est pas. Par analogie : la pierre de rosette n’est plus la même à partir du moment où elle est lue et déchiffrée ; de même, mon acte manqué prend une autre tournure pour moi à partir du moment où je le lis.

Un seul discours, il me semble, offre les conditions de réalisation de l’inconscient : le discours analytique (D.A.).
Qu’a donc, entre autres, de spécifique ce discours ?
Il met le savoir en position de vérité.

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Mettre le savoir en position de vérité, soit réaliser l’inconscient, soit, encore, mettre au savoir le sujet, prévient contre la folie du dédire. Deux questions se posent : quelles sont les conditions favorisant cette mise en place du savoir ; comment cela peut-il s’inscrire dans le cadre de l’ÉLM ?

S’en passer en pas sans

Mettre le savoir en position de vérité procède d’un passage :

L’hypothèse de l’inconscient est quelque chose qui ne peut tenir qu’à supposer le Nom-du-Père. [ ...] C’est en cela que la psychanalyse de réussir prouve que le Nom-du-Père, on peut aussi bien s’en passer. On peut aussi bien s’en passer à condition de s’en servir.

(Lacan, Le sinthome, 13/04/76)

Se servir du Nom-du-Père sans s’en passer, signe la position névrotique, celle où le sujet dédit de son dire l’implication de son désir.
Se passer du Nom-du-Père sans s’en servir ouvre la porte à la folie scientifique : du clonage (éliminer la fonction paternelle du lieu de procréation) au traitement pharmaceutique de la " maladie mentale " (dissoudre le caractère fondateur de l’acte de parole).
Il ne peut y avoir de dire, en tant que le sujet s’y engage, sans ce passage : ça ne va pas sans dire.
Se passer du Nom-du-Père en s’y appuyant relève de l’auteurisation (cf. " l’analyste ne s’autorise que de lui-même "), il pousse à l’inventivité (sublimation ?). Ce passage – la Passe étant le témoignage de ce passage – ne pointerait-il pas le prototype de l’acte, et dans le cas qui nous occupe ici, de la mise au savoir ? Serait-ce ce qui nettoie le lien social de l’obscénité du groupe ?8

Nous revenons ainsi avec la question qui nous suit depuis le début de ce texte : quelles sont les conditions favorisant ce passage, tant dans la cure que dans une école de psychanalyse ?
Faisons deux pas en arrière, en espérant en faire trois par en avant ensuite. Deux points sont à soulignés : la question du Nom-du-Père et celle du sujet supposé savoir.

En abordant la question du père par le signifiant du Nom-du-Père, d’une part, puis en le pluralisant (" les Noms-du-Père "), Lacan nous propose un autre mode de lecture du fait social (de la famille au groupe analytique). Nous passons d’une lecture œdipienne du groupe à une lecture logique du lien social. Le Nom-du-Père est lu comme une fonction qui noue. Cette fonction, plutôt qu’être exclusivement incarnée par une figure paternelle, l’est par un élément quelconque ; ce quelconque ayant la propriété de faire tenir les autres éléments du groupe. De plus, plutôt que d’acquérir ce statut par une mise à mort (cf. les mythes de la horde primitive et d’Œdipe), le Nom-du-Père se positionne dans un rapport d’ex-sistence : il est à la fois extérieur aux éléments qu’il noue et il est à la fois à l’intérieur, traversant chacun des éléments qu’il noue.9

De la même manière la lecture analytique de l’histoire d’un sujet fait-elle intervenir une signification nouvelle pour lui, et le transforme subjectivement ; de la même manière, la lecture d’un fait social détermine le groupe dans lequel a lieu ce fait. Autrement dit, la structure et le fonctionnement d’un groupe répondent à un effet de lecture !
Et le lecteur, où se situe-t-il par rapport à ce groupe ? La réponse à cette question est d’ordre topologique, d’où la référence à la topologie nodale dans l’élaboration de la structure de l’ÉLM.

L’école doit ainsi s’appuyer d’une structure pluralisant le Nom-du-Père, sans cela, on en revient à une modalité de groupe relevant du meurtre du père, et par conséquent, à des effets " d’obscénité imaginaire " (jalousie, rivalité), ce qui conduit alors, ces effets étant souvent insupportables, à une ritualisation excessive du groupe.
Il y a possibilité, avec l’enseignement de Lacan, de penser l’école au lieu du serrage d’un nœud où les éléments du nœud fassent Nom-du-Père. Ainsi, les différents lieux de l’école s’inscriraient à celle-ci selon une modalité de pas sans. La cure, l’enseignement, le cartel, la Passe, la publication, etc., serait situés dans et hors l’école. Chacun de ces lieux n’est pas dans l’école, mais chacun n’est pas sans rapport avec l’école :

On ne fait pas une analyse dans une école mais chez un analyste ; il n’y a pas d’enseignement de l’école mais d’un enseignant ; on ne fait pas la passe pour l’école ou pour y adhérer mais pour y mettre à l’épreuve l’enseignement de sa propre cure.

Toutefois, chacun des lieux s’inscrit dans l’école sans, imaginairement, s’y identifier. L’école constitue, en quelque sorte, le référent de ces divers lieux (l’école se situerait-elle au lieu de l’objet a ?). La question qui se pose alors, et à laquelle nous ne pouvons répondre d’emblée même si nous pouvons en poser les jalons, est la suivante : quels rapports entretiennent ces lieux entre eux ? Est-ce que chacun de ces lieux a fonction de Nom-du-Père, c’est-à-dire fait tenir les autres ?
Pour simplifier, je prends trois lieux pas sans liens avec l’école : la cure, l’enseignement et la Passe. En les nouant borroméennement, je localise l’école dans l’espace du serrage central. Ces trois lieux supportent une fonction de Nom-du-Père, ils font, chacun d’eux, ex-sister l’école. Si l’un se coupe (par exemple, par une crise non-analysée dans le dispositif de la Passe), l’école se dissout. La question se corse lorsque plus de trois lieux se nouent, et que ces lieux n’aient pas le même poids topologiques ; d’où l’intérêt du " nœud de Lacan " (cf. l’élaboration qu’en proposent Guy-Robert St-Arnaud et Julie Bellavance).

Si l’hypothèse de l’école comme référent se tient, on peut peut donc penser que celle-ci soit, tout comme l’objet a dans la cure, pour chaque membre de l’école, à construire. Il ne serait donc pas possible de s’inscrire à l’école, subjectivement, sans s’y impliquer.
Construire l’école dans laquelle on s’inscrit nécessite une mise au savoir (mettre le savoir en position de vérité), nécessite de se passer du Nom-du-Père en s’en servant. Ce qui peut ainsi se résumer : pas d’acte sans aliénation.

S’il y a des conditions essentielles qu’une école de psychanalyse doit fournir, c’est bien :

1) d’offrir des lieux où puissent s’effectuer une lecture rigoureuse des textes (ici, de Freud et de Lacan). Pas le choix, il faut avant tout passer par le discours de l’Autre : traverser du début à la fin l’œuvre de Freud, se plonger dans la logique qu’élabore Lacan au fil de son enseignement.
Ce travail ne se fait pas sous le joug d’un discours universitaire, ni d’un discours du maître.

2) Si on se cantonne à se servir du Nom-du-Père sans s’en passer, si on se réfère au Texte à " lacan-tonnade ", aucune raison de faire école. Si, par contre, on s’appuie sur le Texte du lieu où il nous interroge subjectivement et que l’on est amené à le passer, à le dépasser, une mise au savoir – et non un écho d’un savoir refilé – est possible. Le dire du sujet (lui échappant toujours, mais reconnu, non-dédit) vient faire suppléance au Nom-du-père dont le sujet se passe le temps de son acte. N’est-ce pas ce dire en tant que S1 que le discours analytique produit ?

Ce passage ne peut se faire seul. Le dire du sujet doit être entendu et mis en cause par l’école, à chacun sa responsabilité.

 

Martin Pigeon


Notes

1 " Il est impossible que les psychanalystes forment un groupe. Néanmoins le discours analytique (c’est mon frayage) est justement celui qui peut fonder un lien social nettoyé d’aucune nécessité de groupe. " (Lacan, " L’étourdit ", in Scilicet, no. 4, Paris, Seuil, 1973, p. 31.)
2 " La folie court les rues. Il n’y a pas d’ordre social qui ne repose sur la névrose. Que le sujet se fasse du tort assure la stabilité sociale. [...] La névrose a le même caractère que la folie, comme conséquence de la politique de la belle âme. Le moi est une instance folle avons-nous dit, et la névrose est un malaise du moi fort, irresponsable. " (Vappereau, Noeud, Paris, Topologie En Extension, 1997, p. 296, 299.)
3 Jacques Lacan, " Propos sur la causalité psychique " (1946), in Écrits, Paris, Seuil, 1966.
4 " Il est clair que la parole ne commence qu’avec le passage de la feinte à l’ordre du signifiant, et que le signifiant exige un autre lieu – le lieu de l’Autre, l’Autre témoin – pour que la Parole qu’il supporte puisse mentir, c’est-à-dire se poser comme Vérité. " (Lacan, " Subversion du sujet et dialectique du désir " (1960), in Écrits, op. cit., p. 807.
5 La fonction du sujet supposé savoir est pleinement opérante dans le maniement du transfert, lorsqu’elle est posée par l’analysant, et non lorsqu’elle est posée, voire imposée, par l’analyste.
6 Cette formulation paraphrase celle de Lacan – " L’inconscient c’est le discours de l’Autre " – , mais, dite ainsi, elle accentue le fait que l’inconscient ne soit ni situé au lieu du sujet, ni au lieu de l’Autre, mais dans leur rapport, c’est-à-dire, au lieu du transfert. Ce qui fait du transfert une formation de l’Inconscient.
7 Cette inversion est capitale, elle concerne la question de la temporalité de l’inconscient. Elle est présente tout au long de l’enseignement de Lacan : " Le sujet reçoit de l’Autre son message sous une forme inversée ", la causation du sujet (aliénation / séparation) ; le retournement, l’involution signifiante... L’abord de cette question mérite à lui seul un travail. À suivre donc.
8 Cf. Lacan, " L’étourdit ", op. cit.
9 Sur cette question, et son illustration topologique (cf. noeud borroméen), voir mon texte " L’éthique du Bien-dire ", paru dans Les Cahiers du CLEF, no 6, août 1997.